Des débardeurs du port de Montréal amorcent une grève de trois jours

1 octobre 2024
Des débardeurs du port de Montréal amorcent une grève de trois jours

Assahafa.com

Depuis 7 h lundi, 320 débardeurs du port de Montréal sont en grève. Cette paralysie partielle des activités, qui cible les terminaux Viau et Maisonneuve et qui doit durer 72 heures, se fera tout de même sentir : 41 % des conteneurs qui arrivent au port montréalais passent par ces deux terminaux.

On s’est rendu disponible pour négocier toute la journée [de dimanche] et l’employeur n’était pas disponible, alors la grève partielle va avoir lieu ce matin, a confirmé le conseiller syndical pour les débardeurs du port de Montréal et porte-parole à la table des négociations, Michel Murray, en entrevue à l’émission Tout un matin, moins de 30 minutes avant l’heure limite pour parvenir à une entente.

Le préavis de grève de 72 heures a été déposé vendredi dernier par le Syndicat des débardeurs du port de Montréal, qui est une section locale du Syndicat canadien de la fonction publique, affilié à la FTQ. Les syndiqués ont l’intention de débrayer jusqu’à 6 h 59, jeudi.

Le syndicat avait indiqué qu’il visait spécifiquement les deux terminaux exploités par Termont, l’une des deux entreprises présentes au port de Montréal. La convention collective est échue depuis le 31 décembre 2023.

Aucune entente durant la fin de semaine

Dans une déclaration publiée dimanche soir, l’Association des employeurs maritimes (AEM) a confirmé qu’aucune entente n’était survenue durant la fin de semaine.

L’AEM a tenté par tous les moyens d’éviter la grève prévue [lundi] aux terminaux Viau et Maisonneuve de la compagnie Termont au port de Montréal, mais en vain, était-il écrit.

Que ce soit par la médiation, soutenue par le Service fédéral de médiation et de conciliation, ou devant le Conseil canadien des relations industrielles en audience d’urgence [dimanche] après-midi, nos démarches n’ont pas porté fruit, a ajouté la partie patronale, qui s’est dite très déçue de ce dénouement.

La déception était semblable du côté de la partie syndicale. L’employeur a préféré utiliser des recours juridiques plutôt que de s’asseoir à la table de négociations et de tenter de dénouer l’impasse, a affirmé Michel Murray au micro de Patrick Masbourian.

Qu’est-ce que ça fait, un débardeur?

Un débardeur s’occupe d’entreposer des marchandises ou de les déplacer vers les élingues des navires ou à partir de celles-ci, ou vers des barges le long des quais, d’après la convention collective qui lie les grévistes à leur employeur. L’emploi consiste à charger et à décharger des camions ou à empiler des marchandises à l’aide de grues. Pour plus de détails, consultez cet article.

Une grève partielle pour augmenter la pression

La semaine dernière, les 1150 débardeurs ont rejeté la dernière offre globale patronale de l’AEM dans une proportion de 99,63 %, se dotant au passage d’un mandat de grève. Pourquoi le syndicat cible-t-il ces terminaux avec une grève partielle, alors?

L’entreprise en question, depuis les deux dernières années, a contrevenu à ce qui avait été dit par les représentants patronaux à la table de négociations de l’époque [lors du dernier conflit de travail en 2021]. On la vise spécifiquement pour influencer la table de négociations et pour arriver à une entente négociée avec la partie patronale, a soutenu M. Murray.

Il a qualifié la manœuvre de premier coup de semonce [visant à] passer un message et à brasser le bananier du côté patronal. Elle permet aussi d’éviter de se faire accuser de prendre l’économie en otage par des chambres de commerce avec un débrayage complet, a ajouté le porte-parole des débardeurs.

Ça n’a visiblement pas fonctionné, parce que la partie patronale n’est pas disponible pour négocier, a lancé le représentant syndical, ajoutant que son camp s’était rendu disponible pour discuter dans les prochains jours.

Une stratégie que Marc Ranger, un ancien directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique, a qualifiée d’habile la semaine dernière, puisque le syndicat cible un employeur précis qu’il considère comme délinquant au lieu de paralyser l’ensemble des activités du port de la métropole.

Ce débrayage, bien que partiel, obligera les transporteurs maritimes à regarder les plans B pour éviter le port de Montréal, explique le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc. Ça va vouloir dire des coûts plus grands, ça va vouloir dire des incertitudes sur les délais.

Les autorités portuaires de Montréal nous informent que les événements surviennent dans une période cruciale, au moment où la préparation des industries en vue du temps des Fêtes est en branle.

Pascal Chan, directeur principal en transport, infrastructure et construction à la CCMM, craint quant à lui que ce moyen de pression nuise à l’image du pays à l’échelle internationale. Si on veut que le Canada soit concurrentiel dans l’économie mondiale, il faut au minimum démontrer qu’on a une stabilité au niveau de l’environnement commercial, fait-il valoir.

Il faut que nos partenaires à l’international soient persuadés que le Canada peut, dans le sens très littéral, livrer la marchandise, renchérit-il. Et malheureusement, ce qu’on montre à maintes reprises avec toutes ces grèves et tous ces arrêts de travail, c’est que le Canada n’est pas un partenaire fiable.

Le port de Montréal est l’un des plus importants de l’est du pays : 40 millions de tonnes de marchandises y transitent chaque année. Les activités portuaires à Montréal créent plus de 37 000 emplois. Environ 6300 entreprises desservent les activités portuaires.

À lui seul, le secteur de la logistique et du transport génère 120 000 emplois. Selon l’Administration portuaire de Montréal, des marchandises valant près de 6 milliards de dollars sont attendues au port au cours des prochaines semaines.

Certaines entreprises dont les marchandises transitent par le port de Montréal ont commencé leur réorganisation dès le mois de mai.

Le syndicat s’était dit prêt à ne pas exercer cette grève, à certaines conditions, qui n’ont vraisemblablement pas été remplies.

Ces conditions ont trait à deux litiges, dont l’un porte sur la gestion des ressources humaines et plus particulièrement sur le recours à de grands contremaîtres pour exécuter des tâches.

L’autre litige porte sur le recours, par l’entreprise Termont, à un type d’horaire qui nuit à la qualité de vie des débardeurs, selon M. Murray, et qui n’était pas censé être fréquent, selon l’entreprise. Toutefois, il est devenu fréquent depuis quelque temps, dénonce le syndicat.

Le représentant de la partie patronale s’était engagé devant un arbitre dans ces deux dossiers lors du précédent conflit de travail, soutient le porte-parole des débardeurs, conflit qui s’était conclu par l’adoption d’une loi spéciale par le gouvernement fédéral.

Débrayage en vue pour des débardeurs américains

Une grève à grande échelle plane aussi du côté américain. Plusieurs ports de la côte est menacent de débrayer à compter du mardi 1er octobre. Une trentaine d’installations portuaires, du Maine au Texas, pourraient être paralysées.

À ce point-ci, c’est pratiquement une certitude que ce débrayage aura lieu, estime Jean-Paul Rodrigue, professeur au département d’administration maritime de la A&M University de Galveston.

Le professeur Rodrigue avertit ainsi que des perturbations majeures sont à prévoir dans les chaînes d’approvisionnement au sud de la frontière si cette grève perdure. Les effets se feront sentir au Canada, selon lui.

On ne peut pas fermer la moitié d’un continent sans conséquences.

Une citation deJean-Paul Rodrigue, professeur au département d’administration maritime de la A&M University de Galveston

Les chaînes froides, c’est-à-dire celles reliées aux aliments devant être conservés à basse température, devraient être les premières affectées, indique M. Rodrigue, en entrevue lundi sur les ondes d’ICI RDI. Ensuite, ça va être la vente au détail. Les actions en bourse de l’ensemble des grands détaillants sont à la baisse, ça va de soi.

L’industrie automobile risque aussi de ne pas être épargnée, étant donné que seules quelques pièces manquantes sont suffisantes pour perturber toute cette chaîne.

Alors, en dedans d’une semaine, ça va faire des effets dominos [impliquant] des milliards et des milliards de dollars. Ça va forcer le gouvernement américain à intervenir, explique le professeur.

Michel Murray déclare pour sa part que les débardeurs du port de Montréal sont en contact avec leurs homologues américains, sans toutefois avoir de stratégie globaleS’il y a du trafic [destiné aux ports américains] qui vient dans le port de Montréal, on va refuser de s’en occuper.

Source: Radio Canada

Derniers articles
Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d'analyse.
j'accepte!