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Après avoir encaissé un grand bond en arrière, la relation sino-canadienne peut-elle sortir de son marasme ? Le nouvel ambassadeur de Chine, Wang Di, croit que oui.
Dans les locaux du consulat général de Chine à Montréal, où il reçoit une équipe de La Presse, le chef de mission affiche une ouverture que son prédécesseur n’avait pas.
Mais quand vient le temps de discuter de la question de l’ingérence étrangère, il reste campé sur la même position : Pékin n’a rien à se reprocher.
Les postes de police chinois sur le sol canadien et dans d’autres pays, cela n’existe pas, « parce que la Chine n’a aucun intérêt à devenir la police du monde ».
Les diplomates chinois qui téléguident des actions pour favoriser un candidat ou nuire à un autre, cela n’existe pas, car le service extérieur « respecte la Convention de Vienne ».
Le chef de mission de Pékin nie systématiquement les « fausses allégations d’ingérence » visant le gouvernement chinois, qui relèvent selon lui de la « fabrication politique ».
L’un des principes fondamentaux de la politique extérieure chinoise est de ne pas se mêler des affaires intérieures des autres pays. C’est dans notre ADN.
Wang Di, ambassadeur de Chine au Canada
Et c’est pour respecter ce principe que M. Wang dit n’avoir pas lu le rapport initial de la Commission sur l’ingérence étrangère, publié en mai dernier.
« Que ce rapport soit indépendant ou pas [du gouvernement], je n’ai aucun intérêt à y réagir, sinon on m’accusera de m’ingérer dans l’enquête publique », semble-t-il ironiser.
Ça, et le fait qu’il n’a de toute manière « aucun désir de le lire dans son intégralité ».
Mais tout de même, l’envoyé de Pékin suggère aux responsables de l’enquête de « se demander à qui ils parlent ».
Dans la première phase de son enquête, qui reprendra le 16 septembre prochain, la juge Marie-Josée Hogue a entendu plus de 60 témoins.
À l’issue des audiences, elle a conclu que la Chine représentait « actuellement la menace d’ingérence étrangère la plus persistante et la plus sophistiquée pour le Canada ».
Aux yeux de M. Wang, qui sourira souvent en entendant nos questions au sujet de l’ingérence, ces « fausses accusations » portent atteinte à la présomption d’innocence.
« Je sais que c’est un principe qui fait votre fierté. Ce que je ne comprends pas, c’est que dans le cas de la Chine, c’est toujours la présomption de culpabilité », lâche-t-il.
L’empreinte des deux Michael
Pour l’ambassadeur arrivé au pays en juin dernier en remplacement du belliqueux Cong Peiwu, l’entrevue constitue un tout premier contact avec un grand média canadien.
Il brise la glace en exprimant, dans sa déclaration d’ouverture, son souhait de tourner la page sur une période laborieuse dans la relation bilatérale entre le Canada et la Chine.
« Notre relation a rencontré des difficultés ces dernières années, pour des raisons que tout le monde connaît », dit-il d’entrée de jeu.
Le diplomate ne ressent donc pas le besoin de revenir sur la détention arbitraire des deux Michael, appréhendés après l’arrestation sur le sol canadien de Meng Wanzhou.
La Chine, faut-il rappeler, a toujours nié l’existence d’un lien de causalité entre les deux affaires – même si les Canadiens ont été libérés presque en même temps que la femme d’affaires chinoise.
C’est que Wang Di préfère se tourner vers l’avenir. Il voit une lueur d’espoir dans la récente visite en Chine de la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly.
Les efforts récemment déployés par les deux parties laissent entrevoir un signal positif pour la reprise et l’amélioration de notre relation.
Wang Di, ambassadeur de Chine au Canada
Chose certaine, le chef de mission ne chôme pas depuis son entrée en poste.
Comme en témoigne un recensement publié sur le site web de l’ambassade, il a multiplié les rencontres avec un éventail d’acteurs de tous les horizons.
Il s’est notamment entretenu avec l’ancien premier ministre Jean Chrétien, avec le chef bloquiste Yves-François Blanchet et avec des représentants d’Affaires mondiales Canada.
Les loups au rancart
Guy Saint-Jacques, qui a été ambassadeur du Canada en Chine, trouve cette nomination intéressante, dans la mesure où elle pourrait être la manifestation d’un virage.
Les Chinois semblent commencer à s’apercevoir que leur politique des loups guerriers1 n’a pas du tout contribué à améliorer leur image.
Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine
La marge de manœuvre de leurs diplomates à l’étranger n’en demeure pas moins « très restreinte », estime celui qui a été en poste à Pékin de 2012 à 2016.
Car « ils pensent qu’ils sont les nouveaux maîtres du monde », dit Guy Saint-Jacques.
Le Canada, « que la Chine considère comme un pays insignifiant », doit ainsi rester sur ses gardes, poursuit-il.
D’autant plus que les prochains mois risquent d’être difficiles.
C’est que la Chine et le Canada viennent de s’engager dans un autre bras de fer, après que le gouvernement Trudeau a décidé d’imposer des tarifs douaniers de 100 % sur les véhicules électriques chinois et de 25 % sur l’aluminium et l’acier chinois.
Pékin n’a pas tardé à riposter, d’abord en lançant une enquête antidumping sur le canola, puis en portant plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour les surtaxes.
Source: la presse