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Depuis des mois, et encore mercredi matin, le ministre de l’Économie a laissé entendre que les tarifs d’électricité vont finir par augmenter rapidement.
Chaque fois, le premier ministre réitère son engagement à plafonner les hausses annuelles à 3 % pour les clients résidentiels. Ce double discours crée de la confusion et il me semble que le gouvernement devrait se montrer plus transparent avec les Québécois.
Tant que je serai premier ministre, les tarifs des Québécois n’augmenteront pas de plus que 3 % par année
, a écrit le premier ministre sur X mercredi matin. Nous comprenons donc clairement que l’engagement à 3 % n’est lié qu’à François Legault. Et nous comprenons aussi que cet engagement incommode visiblement le ministre Fitzgibbon et Hydro-Québec, compte tenu des projets de développement prévus au cours des 25 prochaines années.
En fait, le premier ministre a fait le choix de politiser totalement les tarifs d’électricité au Québec. Avant le dépôt d’un projet de loi en 2019, qui venait arrimer arbitrairement l’évolution des tarifs à l’inflation, on pouvait compter sur le travail d’experts à la Régie de l’énergie, qui devait analyser les demandes et les besoins d’Hydro-Québec avant l’établissement des tarifs qui entrent en vigueur au 1er avril de chaque année.
Imaginant que l’inflation allait éternellement demeurer autour de 2 %, le gouvernement a été rattrapé par une flambée inflationniste, jusqu’à 8 % en 2022, ce qui l’a obligé à modifier sa loi pour y ajouter un plafond à 3 %. Ces deux interventions dans les tarifs d’Hydro-Québec ont transféré la responsabilité des coûts de l’électricité au gouvernement.
Aujourd’hui, alors que le gouvernement a l’ambition de doubler la production de sa société d’État, Québec est coincé avec l’engagement que François Legault a pris face aux électeurs. L’évolution des tarifs, malgré les besoins grandissants d’Hydro, est aujourd’hui liée à une promesse politique, chose qui ne se serait pas produite si le gouvernement avait laissé la Régie de l’énergie faire son travail.
Une hausse des tarifs, un débat nécessaire, répète Fitzgibbon
Et c’est donc Pierre Fitzgibbon qui se permet de dire publiquement ce qui risque de se passer au cours de la prochaine décennie. Le ministre, qui laisse planer le doute sur un départ avant la fin de son mandat, mentionne chaque fois qu’il s’exprime qu’il faudra mener un large débat sur la hausse nécessaire des tarifs d’électricité.
Selon lui, dans 5 à 10 ans, les hausses de tarifs seront importantes
parce que le Québec s’engage dans des investissements majeurs en électrification, jusqu’à 185 milliards $ chez Hydro d’ici 2050. Qui va payer? Les clients résidentiels, les clients commerciaux ou les clients industriels?
Non seulement il faudra investir massivement, mais le coût de production de l’électricité ne fait qu’augmenter. De la Manic, à 2 cents le kilowattheure, on est aujourd’hui à 11 cents pour les projets éoliens qui sont envisagés.
L’Union des consommateurs demande au gouvernement d’être plus transparent dans son explication aux Québécois. Dans une note économique publiée mercredi, l’Union calcule que la facture mensuelle d’un ménage moyen pourrait doubler ou tripler d’ici 10 ans.
Les milieux d’affaires font pression sur le gouvernement pour l’amener à hausser d’abord les tarifs résidentiels. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), les entreprises subventionnent les tarifs résidentiels alors que les Québécois ne paient pas le véritable coût de leur consommation. C’est aussi ce que dit Pierre Fitzgibbon.
Ainsi, dans un communiqué, la FCEI écrit que les PME paient entre 18 % et 28 % de plus que les coûts réels de l’électricité pour les desservir. Comparativement, les grandes entreprises paient entre 0 % et 13 % de plus, tandis que les consommateurs résidentiels bénéficient de tarifs inférieurs de 14 %.
Le Québec a choisi de nationaliser son hydroélectricité pour que l’ensemble des habitants de ce territoire puissent bénéficier d’une énergie abordable et propre. Aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins : il faut être grandement plus efficace, mais il faut aussi produire davantage pour relever le défi de l’électrification.
Le premier ministre et son ministre de l’Économie doivent convier les Québécois à cette discussion, peu importe l’avenir politique de l’un et de l’autre, peu importe aussi les engagements pris sur les tarifs. Si on veut lancer une nouvelle Baie-James et mener à bien le projet énergétique d’une génération, il faut aussi parler des coûts.
Source: Radio Canada