Pénurie de main-d’œuvre « inquiétante » dans les CPE

24 août 2024
Pénurie de main-d’œuvre « inquiétante » dans les CPE

Assahafa.com

Le manque d’éducatrices inquiète plusieurs centres de la petite enfance (CPE) au Québec. En plus de causer de l’épuisement au sein des effectifs, le manque de ressources donne des maux de tête aux parents qui doivent faire face à des interruptions de service. Beaucoup d’entre eux se disent aussi inquiets de la qualité des services offerts.

Le CPE Bois Joli, à Lévis, ressent les contrecoups de cette pénurie. Sa directrice générale, Claudine Newton, avoue que le recrutement de personnel est un défi de taille depuis plusieurs années.

Ses locaux lui permettraient d’accueillir 175 enfants. Faute de personnel, le CPE n’en accueille actuellement qu’une centaine.

Afin de pourvoir les postes vacants, le CPE Bois Joli n’a pas d’autre choix que de se tourner vers une main-d’œuvre non qualifiée.

Les critères de sélection doivent être amenés à la baisse, parce qu’on n’a plus le loisir d’engager de la main-d’œuvre qualifiée, dit Claudine Newton.

Selon Élise Paradis, directrice générale du Regroupement des CPE des régions de Québec et Chaudière-Appalaches, il s’agit d’une stratégie de plus en plus courante pour les CPE de la région.

Il y a quatre ans, on était à 100 % qualifié. On n’est plus du tout là. […] C’est sûr qu’on ne prend pas n’importe qui, mais la qualification, ce n’est pas là pour rien, c’est gage de qualité.

Une citation deÉlise Paradis, directrice générale du Regroupement des CPE des régions de Québec et Chaudière-Appalaches

Pour les éducatrices d’expérience, l’ajout de ces éducatrices non qualifiées représente un fardeau, puisqu’elles doivent souvent les accompagner et les former, en plus d’accomplir leurs tâches habituelles.

Les CPE demandent ainsi des accommodements aux employés, comme d’écourter leurs pauses ou d’allonger leurs quarts de travail d’une heure ou deux.

Ce sont des solutions à court terme dont le risque est d’épuiser nos équipes de travail, précise Claudine Newton.

Diminution de la qualité des services

En mai dernier, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, a déposé un rapport dépeignant une réalité peu reluisante.

Selon ce rapport, plus de 20 % des centres de la petite enfance évalués n’offraient pas des services éducatifs de qualité en 2022-2023.

En 2019-2020, ce taux d’échec était en deçà de 8 %. C’est très inquiétant, affirme Marylin Dion, directrice générale de l’organisme Ma place au travail.

On parle d’une population vulnérable. Nos tout-petits ne peuvent pas nécessairement nous dire ce qui se passe dans le milieu de garde. […] C’est la prunelle de nos yeux, c’est la prunelle de notre société, donc il faut qu’on en prenne soin.

Comme bon nombre de parents, Marylin Dion a dû sacrifier sa carrière pendant plusieurs années, le temps d’obtenir une place en garderie pour ses enfants.

De savoir qu’on doit abandonner notre travail, tout ce que ça implique pour nos finances familiales, pour notre développement personnel. La détresse, le stress, la colère, l’impuissance… ce sont des mots qu’on entend quotidiennement.

Une citation deMarylin Dion, directrice générale de l’organisme Ma place au travail

En date du 30 juin 2024, il y avait encore 33 172 enfants en attente d’une place dans un service de garde éducatif à l’enfance (SGEE).

Exode des éducatrices

Élise Paradis constate que la pénurie de main-d’œuvre fait rage depuis plusieurs années. Elle attribue le phénomène notamment à un exode des éducatrices.

On s’arrache les ressources avec le réseau scolaire et le réseau de la santé, remarque-t-elle.

Selon Claudine Newton, c’est l’épuisement des éducatrices qui les amène à se diriger vers d’autres domaines.

Or, le départ des éducatrices empire la pénurie de main-d’œuvre, ce qui ne fait qu’augmenter l’épuisement des effectifs.

Élise Paradis estime que de meilleures conditions salariales pourraient contribuer à renverser ce cercle vicieux. Au-delà de la question salariale, elle espère une meilleure valorisation du métier d’éducatrice.

Si les gens sentent que c’est un emploi important et valorisé, on a probablement plus de chances d’attirer des jeunes, conclut-elle.

Malgré les nombreuses mesures mises en place par le gouvernement Legault depuis 2021, ce dernier accuse toujours un retard par rapport à son objectif d’ajouter 18 000 éducatrices d’ici 2026.

À ce jour, le gouvernement compte un ajout net de 3686 éducatrices à la petite enfance, soit environ 20 % de l’objectif.

Source: Radio Canada

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