Caribou : les projets pilotes du Québec trop flous pour en calculer les impacts

19 juillet 2024
Caribou : les projets pilotes du Québec trop flous pour en calculer les impacts

Assahafa.com

Les projets pilotes présentés par le gouvernement du Québec pour protéger l’habitat des caribous de Charlevoix et de la Gaspésie manquent de clarté, selon le forestier en chef, si bien qu’il n’est pas en mesure d’en évaluer les impacts sur l’industrie forestière et de fournir l’information « à toutes les parties intéressées ».

Le Bureau du forestier en chef a dévoilé cette semaine les impacts attendus des décrets d’urgence du gouvernement fédéral sur les volumes de bois que peuvent récolter les compagnies forestières.

Selon ses calculs, environ 4 % de la possibilité forestière annuelle, soit 1,4 million de mètres cubes de bois par année, serait retirée de l’assiette de l’industrie pour protéger les caribous de Val-d’Or, de Charlevoix et du Pipmuacan.

L’initiative du Bureau du forestier en chef visait à éclairer la population et les décideurs actuellement consultés par Ottawa. Elle a permis de démontrer que l’impact sera vraisemblablement plus important dans certaines régions, et même pour certaines entreprises dont les approvisionnements sont en jeu.

M. Pelletier aurait voulu faire le même exercice pour mesurer l’impact des projets pilotes annoncés à la fin avril par le gouvernement Legault, dans l’habitat du caribou de Charlevoix et du caribou montagnard de la Gaspésie.

Incapable de mettre la main sur des informations cruciales à ses travaux à partir de la documentation gouvernementale, le Bureau du forestier en chef ne peut faire ses devoirs. Ce serait de jouer à la devinette, a dit M. Pelletier en marge d’une conférence de presse, mardi.

Message à Québec

À son avis, les projets de Québec sont trop flous dans leur forme actuelle et ne permettent pas de faire une évaluation qui tiendrait la route.

Inivité à donner plus de détails, le Bureau du forestier en chef a précisé qu’il avait participé aux consultations mises sur pied par Québec, expressément pour lui demander de clarifier certains paramètres.

Il était […] important pour le forestier en chef de participer à cette consultation et de demander des clarifications sur les mesures comprises dans ces projets pilotes afin de pouvoir effectuer des analyses d’impacts et ainsi éclairer toutes les parties intéressées dans ce dossier, affirme Lise Guérin, responsable des communications.

Contrairement aux décrets d’urgence très clairs du fédéral, qui interdiraient carrément la récolte forestière dans certaines zones de l’habitat propice au caribou, les projets pilotes de la province prévoient des possibilités d’aménagement forestier, mais à la pièce, au gré des autorisations ministérielles.

Le forestier en chef a besoin de modèles plus précis pour travailler. Plus particulièrement, les analyses se basent sur les délémitations géographiques des mesures, des durées dans le temps et des modalités d’aménagement forestier (coupe partielle, coupe totale, interdiction, etc.).

Les modalités ne sont pas aussi précises [que celles du fédéral]. On a informé le ministère de l’Environnement [du Québec] à l’effet qu’il fallait préciser certaines modalités si on voulait en faire une analyse d’impacts en bonne et due forme.

Une citation deLouis Pelletier, forestier en chef du Québec

Sans ces données, il est actuellement impossible de calculer les volumes de bois qui pourraient être retirés à l’industrie forestière. Dans le cas des caribous de Charlevoix, par exemple, le forestier en chef aurait pu comparer les effets du décret d’urgence du fédéral et ceux du projet pilote de Québec.

Encadrer, mais pas interdire

Produits sans études d’impacts socioéconomiques ou écologiques, les projets pilotes annoncés au printemps sont présentement à l’étape des consultations.

L’échéance, d’abord au fixée au 30 juillet, a été repoussée au 31 octobre par Québec. Les contours des projets pilotes et les critères d’anénagement forestier pourraient donc n’être connus qu’au-delà de cette date. Si c’est le cas, les consultations se feraient sans possibilité d’évaluer les impacts socioéconomiques, qui viendraient dans un second temps.

Au cœur de ces projets pilotes, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, entend modifier le Règlement sur les habitats fauniques. Ces modifications pourraient ensuite servir de base pour une stratégie de protection du caribou forestier plus globale, pour l’ensemble des hardes de la province.

Dans son règlement, Québec veut créer des zones d’habitat en restauration et des massifs de conservation. Ce règlement permet de favoriser la conciliation des besoins de la faune, dans ce cas-ci ceux du caribou, avec la réalisation d’activités, indique la documentation gouvernementale.

Dans les massifs de conservation, la province veut encadrer plus strictement les activités modifiant l’habitat des caribous, mais pas les interdire.

Dans les zones d’habitat en restauration, Québec veut tendre vers un taux de perturbation maximal de l’habitat de 35 %, soit la cible promise au gouvernement fédéral il y a déjà deux ans. Encore une fois, aucune interdiction n’est prévue concernant la récolte forestière, l’un des principaux perturbateurs de l’habitat du caribou.

Ultra-bureaucratique

Pour Pier-Olivier Boudreault, biologiste à la Société pour la nature et les parcs du Canada, section Québec (SNAP Québec), le gouvernement Legault s’enfonce dans un mécanisme inutilement complexe.

Je suis d’accord avec le forestier en chef qu’il y a beaucoup de flou autour des modalités proposées dans les projets pilotes, commente-t-il. Le gouvernement a ouvert la porte à un énorme régime d’autorisation, ultra-bureaucratique, qui laissera beaucoup de latitude aux différents ministères impliqués, et qui créent par conséquent oui, une immense zone de flou.

La SNAP Québec demande au gouvernement du Québec de simplifier et clarifier le nouveau règlement.

La complexité vient d’une frilosité politique.

Trouver l’équilibre

Invité à réagir, le gouvernement Legault défend ses initiatives.

Les projets d’aires protégées et les propositions de zones d’habitat en restauration sont décrits en termes de superficie et d’emplacement dans les documents publics servant à la consultation, ont indiqué conjointement les cabinets du ministre de l’Environnement, Benoit Charette, et de la ministre des Forêts, Maïté Blanchette Vézina.

Les deux cabinets demeurent muets sur les éventuelles modalités d’aménagement forestier et sur ce qui sera permis en forêt. Ces détails, disent-ils, seront connus ultérieurement.

Nous souhaitons consulter la population sur ces intentions, ce qui nous permettra ensuite de proposer une solution équilibrée qui vise à assurer la protection de l’espèce tout en préservant le dynamisme économique des communautés forestières de nos régions du Québec. C’est là-dessus qu’on travaille.

Source: Radio Canada

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