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Des élèves pâtissent du manque d’enseignants qualifiés, déplorent leurs parents. Et les directions d’école ne voient toujours pas de lumière au bout du tunnel.
L’année scolaire qui tire à sa fin a été pénible pour nombre de parents et d’élèves à cause du manque de personnel. Certains parents craignent même pour la réussite de leurs enfants. Les nombreux remplaçants et enseignants non légalement qualifiés qui ont été appelés en renfort n’ont pas suffi à la tâche, estiment-ils.
À l’approche de la fin des classes, il manquait encore près de 3000 membres du personnel dans les écoles, indique le Tableau de bord du ministère de l’Éducation du Québec, dont environ le tiers d’enseignants.
La grève des enseignants n’a pas aidé, mais c’est surtout le manque d’enseignants que montrent du doigt ceux qui se sont confiés à Radio-Canada.
Ça a été une année difficile, la plus difficile qu’on ait eue jusqu’à maintenant. On a eu des changements de profs, beaucoup de remplaçants.
Pour Julie, l’année scolaire qui se termine n’a pas été de tout repos. Elle ne compte plus le nombre de remplaçants qui se sont retrouvés dans la classe de cinquième année de son garçon.
Parfois, dans la même semaine, il y avait trois ou quatre personnes différentes dans la classe, dont des personnes du service de garde et des gens non légalement qualifiés
, souligne-t-elle.
À son retour de l’école, le fils de Julie s’empressait souvent de lui dire qu’il n’avait rien fait en classe pendant la journée, regrette-t-elle. Je n’ai pas l’impression qu’il a appris beaucoup de choses. J’ai comme l’impression que cette année est à mettre aux oubliettes.
Elle déplore également que son fils n’ait jamais eu de devoirs à faire à la maison pendant l’année.
« La valse des remplaçants »
Une autre mère, Émilie, a elle aussi trouvé la dernière année scolaire longue et pénible. Elle affirme même avoir cessé de compter le nombre de remplaçants qu’a eus sa fille, une élève de cinquième année, parce qu’on était rendus à plusieurs dizaines de remplaçants
.
Elle a souvent été prise de découragement, au cours des derniers mois, devant le manque de stabilité dans le groupe de sa fille, dit-elle. Ça a été la valse des remplaçants. Tous les jours, des remplaçants différents. Parfois, deux remplaçants différents dans la même journée et, parfois, quand ils n’arrivaient pas à trouver de remplaçants, c’était des gens du service de garde qui venaient prêter main-forte.
Cette situation a duré une grande partie de l’année, de septembre à mars, jusqu’à ce qu’ils puissent trouver une enseignante non qualifiée pour faire le restant de l’année
, affirme Émilie. Mais la classe a accumulé un retard très, très important… ils n’ont pas été capables de voir toute la matière cette année.
La mère de famille aurait aimé sentir davantage d’appui de la direction de l’école pendant cette période difficile pour elle et son enfant. Ils nous ont dit qu’ils ont fait tout ce qu’ils étaient capables de faire pour trouver le plus rapidement possible quelqu’un de stable.
Julie aussi s’est dite déçue de l’attitude de la directrice de l’école de son garçon. La direction nous a dit qu’il y avait des problèmes comme partout pour trouver des enseignants et qu’on devrait se compter chanceux d’avoir quelqu’un dans la classe, que ça pourrait être pire.
Les deux mères ont senti le besoin d’embaucher des tuteurs à domicile pour s’assurer que leurs enfants apprennent vraiment ce qui était au programme du ministère de l’Éducation.
Les remplaçants ne sont pas nécessairement compétents.
Marie déplore elle aussi que sa fille ait eu plusieurs remplaçants dans certains de ses cours durant la dernière année scolaire.
Il y avait des remplaçants qui leur donnaient des activités occupationnelles, qui n’enseignaient pas la matière, raconte-t-elle. D’accord, il y a un prof dans la classe, mais sa compétence n’est jamais assurée, et ça, c’est vraiment un gros problème.
Des directeurs et directrices jettent l’éponge
Alors que l’année scolaire tire à sa fin, il manque toujours plus de 800 enseignants dans les écoles du Québec, selon les dernières données du ministère de l’Éducation.
Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement, l’a constaté : le manque d’enseignants a pesé lourd.
C’est majeur, le manque de personnel, le roulement de personnel qu’on a
, dit-il. Chaque jour, c’est un casse-tête de trouver du monde pour être dans les classes pour s’assurer non seulement de l’apprentissage des élèves, mais aussi de leur sécurité.
C’est un facteur qui fait que les directions d’écoles quittent l’emploi. On sent un découragement chez nos troupes
, insiste M. Prévost.
Il affirme qu’une soixantaine de directeurs et directrices ont démissionné au cours des dernières semaines.
Nicolas Prévost reconnaît que le manque de personnel et les nombreux enseignants non légalement qualifiés qui se retrouvent dans les classes ont un impact sur la réussite des élèves.
On a beaucoup de gens non légalement qualifiés qui ont toute la bonne volonté du monde, mais qui n’ont pas toutes les connaissances pour faire un travail de façon optimale, convient-il. […] Tout ça fait qu’il n’y a pas un service optimal qui est donné à l’élève présentement.
Pas d’amélioration notable à l’horizon
Et celui qui représente des directions d’école ne croit pas que la situation va s’améliorer d’ici la prochaine rentrée.
On ne voit pas beaucoup de lueurs d’espoir à court terme.
Le porte-parole du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec, Sylvain Martel, n’est pas trop confiant lui non plus face à l’avenir.
Le manque de personnel s’est fait sentir cette année et, malheureusement, je pense que la prochaine année ne sera pas mieux
, prévient-il.
Une situation très préoccupante, aux yeux du ministre de l’Éducation Bernard Drainville.
On sait que la stabilité, pour un enfant, c’est bon pour sa réussite éducative et on doit tout faire pour s’en assurer, a indiqué son cabinet. Jamais on ne doit faire de compromis sur la réussite des élèves. On ne croise pas les bras, c’est une des priorités du ministre.
Afin de recruter et de retenir davantage d’enseignants, le gouvernement a notamment amélioré leurs conditions de travail et salariales, a rappelé le bureau de M. Drainville.
En plus du personnel enseignant, les conseils scolaires tentent de trouver 485 professionnels et 1500 membres du personnel de soutien pour leurs établissements, selon les plus récentes données du ministère, datées du 15 avril.
Source: Radio Canada