Un gouvernement moins dissipé

8 juin 2024
Un gouvernement moins dissipé

Assahafa.com

François Legault avait demandé une boussole au père Noël à la fin de la dernière année. Il ne nous a finalement jamais dit quels cadeaux il avait reçus, mais ses souhaits semblent avoir été exaucés, du moins en partie.

Le premier ministre a dû pousser un grand soupir de soulagement à la lecture du plus récent sondage : la Coalition avenir Québec (CAQ) semble avoir réussi à freiner sa chute, le gouvernement ayant gagné trois points de pourcentage en moins d’un mois dans les intentions de vote. La session avait pourtant bien mal commencé avec la controverse sur le financement politique de la CAQ. D’autres événements ont miné le moral des troupes, comme le départ du député Eric Lefebvre pour le Parti conservateur du Canada.

François Legault a pris la résolution en début d’année de faire preuve de plus de discipline et il s’y est tenu. De fait, on a l’impression d’un gouvernement moins dissipé depuis que son chef a cessé de tout commenter au jour le jour. Reste à voir si une stratégie basée sur l’effacement de François Legault peut servir à long terme le parti qui l’emploie. Apprendre à répondre aux questions sans se mettre les pieds dans les plats serait sans doute plus productif.

Au-delà des stratégies de communication, la CAQ en est toutefois encore à mettre en place les réformes censées concrétiser ses engagements de longue date. Pourtant, le gouvernement célébrera bientôt son sixième anniversaire au pouvoir. On pense entre autres à Mobilité Infra Québec, entité vouée à l’accélération des projets de transport collectif, ou à Santé Québec, dont la création doit marquer le début d’un temps nouveau dans le réseau de la santé.

Réduire les délais, la bureaucratie et le temps d’attente à l’urgence était une promesses phare de la CAQ en 2018. Le temps commence à presser. Dans bien des domaines, les résultats se font toujours attendre, et les habiletés de gestionnaires des ministres choisis par François Legault restent à démontrer. Comme toujours, certains s’en sortent mieux que d’autres.

Des mentions spéciales

Même s’il est moins visible qu’à l’époque où il pilotait le dossier de la langue ou celui de la laïcité, Simon Jolin-Barrette demeure le ministre le plus actif sur le plan législatif, ayant fait adopter, cette session, ses neuvième et dixième projets de loi depuis les dernières élections. Le ministre a réussi à réformer en profondeur le droit de la famille, ce que personne n’avait osé faire avant lui depuis les années 1980. La création d’un nouveau comité chargé de déterminer des manières de rendre le Québec plus autonome, annoncée par le premier ministre au dernier jour de la session, pourrait lui redonner sa visibilité d’antan.

Christian Dubé a avancé dans la création de Santé Québec en nommant les « top guns » qui dirigeront la nouvelle entité. Encore faut-il que cette dernière démontre son utilité. En Chambre, la pression est de plus en plus forte pour que les réformes mises en place donnent les résultats promis. Le ministre a bien joué ses cartes dans la partie qui l’opposait aux agences privées de personnel, mais le nouveau duel qui débute avec les médecins de famille s’annonce nettement plus corsé. Le récent regain de la CAQ devrait l’aider à maintenir le cap.

Le projet de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, de doter le Stade olympique d’un nouveau toit a généralement été bien reçu, et ce, en dépit de la facture de 870 millions de dollars qui accompagnera la mise à niveau du bâtiment mal-aimé. La loi qu’elle avait adoptée pour mieux encadrer les plateformes d’hébergement touristique commence à porter des fruits.

Jean Boulet est parvenu à mener à bien la réforme de la construction qu’il a entreprise sans que cela provoque la levée de boucliers que certains avaient escomptée. Son projet de loi qui vise à réfréner les employeurs et les assureurs, qui exigent toujours plus de documents avant de payer des prestations, a été on ne peut mieux accueilli.

La ministre Sonia LeBel a réussi à s’entendre avec la grande majorité des syndicats des employés de l’État, à l’exception notable de la FIQ, qui est maintenant complètement isolée. Cela a toutefois coûté cher au Trésor public. Reste à voir si la flexibilité qu’elle dit avoir obtenue, en échange d’augmentations de salaire plus généreuses qu’à l’habitude, permettra réellement d’améliorer les services publics. Le projet de loi qu’elle a déposé pour décloisonner les professions dans le réseau de la santé est un grand pas en avant pour améliorer l’accès aux services de première ligne. Ce n’est, a-t-elle promis, que le début.

Pierre Fitzgibbon laisse planer un flou sur son avenir politique. Paradoxalement, il semble prendre de plus en plus de plaisir à la joute politique. Que ce soit en mêlée de presse avec les journalistes ou à la période des questions, le superministre s’amuse visiblement, assumant ses ambitions, ses qualités et ses défauts. Il est particulièrement intéressant d’entendre cet esprit indépendant réfléchir à haute voix, que ce soit sur la nécessité de réduire le nombre de voitures ou sur celle de hausser les tarifs d’électricité. L’étude du volumineux projet de loi qu’il vient tout juste de déposer en matière d’énergie mettra sa patience à rude épreuve l’automne prochain.

Le ministre Mathieu Lacombe a réussi à enterrer le projet d’espaces bleus de son gouvernement, sans que cela crée de grande commotion. Il a aussi défendu avec conviction son projet de création du Musée national de l’histoire du Québec. Le ministre affiche de plus en plus son côté nationaliste au sein du parti de coalition auquel il appartient. Le contenu du projet de loi qu’il a promis de déposer dans les prochains mois pour mettre au pas les géants du Web permettra de voir jusqu’où il est prêt à aller.

Des résultats mitigés

L’heure de vérité approche pour Christine Fréchette. La ministre de l’Immigration maîtrise bien ses dossiers et n’a pas mis son gouvernement dans l’embarras, contrairement à certains de ses prédécesseurs, mais obtenir quoi que ce soit d’Ottawa demeure très difficile. François Legault a fixé à la fin du mois de juin le délai pour faire avancer les choses, et Justin Trudeau sera en ville la semaine prochaine. Le gouvernement fédéral a certes fait des gestes pour freiner l’arrivée d’immigrants temporaires, mais le Québec n’a toujours obtenu aucun des nouveaux pouvoirs qu’il réclame.

Bien des ministres ont semé pour plus tard, mais il est encore trop tôt pour savoir si les résultats seront à la hauteur des attentes qu’ils ont eux-mêmes créées. Geneviève Guilbault et Jonatan Julien ont promis d’accélérer la réalisation de projets d’infrastructure, notamment en matière de transport collectif. Ce n’est cependant pas la première fois que la CAQ fait de telles promesses. Le discours était le même au sortir de la première vague de la pandémie, avec des résultats pour le moins mitigés, comme l’a montré une compilation récente.

Après plus d’une année d’attente, Jean-François Roberge a finalement dévoilé son Plan pour la langue française; le document ne contenait toutefois pas grand-chose de neuf. Bernard Drainville a dévoilé un tableau de bord qui permettra de suivre la situation de plus près dans le réseau de l’éducation. Or, cela ne garantit pas que les données qu’on y trouvera seront le moindrement encourageantes, comme on l’a vu avec l’expérience du tableau de bord en santé. Tous attendent avec impatience la prochaine rentrée scolaire pour voir si les nouvelles conventions collectives permettront d’éviter le chaos de l’automne dernier.

Sous le feu des critiques depuis son entrée en poste, France-Élaine Duranceau a admis qu’elle aurait dû faire preuve de plus de sensibilité à l’égard des locataires, mis sous pression par la crise du logement. Le projet de loi qu’elle a déposé pour mieux protéger les aînés à faible revenu est un premier pas dans la bonne direction. Il en faudra par contre davantage pour convaincre ceux qui doutent encore de sa sensibilité. On attend d’ailleurs toujours le grand plan qu’elle a promis de déposer pour accroître l’offre en matière de logement.

Des temps plus durs

Eric Girard a donné des munitions au Parti libéral en déposant un budget largement plus déficitaire que ce qui était anticipé. Depuis la pandémie, le ministre des Finances n’a eu de cesse de repousser le retour à l’équilibre budgétaire, et aucun plan de retour au déficit zéro n’a encore été déposé. Le ministre a baissé les impôts l’an dernier, mais les Québécois de la Communauté métropolitaine de Montréal risquent de devoir verser une partie de cet argent aux villes qui comptent augmenter la taxe sur l’immatriculation, pour compenser le manque à gagner des sociétés de transport.

André Lamontagne a déçu bien des agriculteurs en refusant d’utiliser le mot crise pour qualifier la situation que traversent en ce moment bon nombre d’entre eux. Le gouvernement et l’Union des producteurs agricoles se sont finalement entendus pour mieux soutenir le milieu, à la suite de nombreuses manifestations.

Depuis la guerre en Irak en 2003, rarement a-t-on vu événement international susciter autant de réactions sur la scène politique québécoise que la résurgence du conflit israélo-palestinien. Tout au long de la session parlementaire, la ministre des Relations internationales, Martine Biron, a eu beaucoup de mal à défendre la décision de son gouvernement d’ouvrir un bureau en Israël, au moment même où le conflit prenait de l’ampleur. La détermination du gouvernement à aller de l’avant, malgré les circonstances, demeure du reste bien difficile à saisir. On devine aisément que la directive vient d’en haut. Comme si cela n’était pas assez, la ministre a été – fait rarissime – vivement critiquée par le juge en chef de la Cour suprême du Canada. Richard Wagner n’a visiblement pas digéré de voir l’Assemblée nationale adopter à la hâte une motion critiquant une décision rendue par l’institution qu’il dirige.

Des partis d’opposition en mutation

La course à la direction qui s’en vient au sein du Parti libéral du Québec s’annonce finalement plus excitante qu’on n’aurait pu le prévoir il y a quelques mois à peine. Ragaillardi par le dépôt d’un budget déficitaire, le caucus libéral reprend peu à peu sa place à l’Assemblée nationale. Son chef intérimaire, Marc Tanguay, a été habile à faire ressortir le côté dépensier du gouvernement, même si vanter la rigueur ou l’austérité prônées jadis par Philippe Couillard n’était peut-être pas la meilleure idée.

La palme au sein du caucus libéral revient toutefois au député de Pontiac, André Fortin, dont l’aplomb et les questions incisives ont fait mal paraître aussi bien Christian Dubé à la Santé qu’André Lamontagne à l’Agriculture. Il ne manque pas une occasion de défendre ses citoyens de l’Outaouais.

D’autres députés font leur place peu à peu, comme Madwa-Nika Cadet, qui a beaucoup gagné en assurance. Malgré de premiers pas difficiles, Frédéric Beauchemin s’avère un critique efficace du ministre des Finances, mais il devra diversifier la nature de ses interventions s’il espère vraiment succéder à Dominique Anglade.

La démission d’Émilise Lessard-Therrien a fait très mal à Québec solidaire et à son co-porte-parole masculin, Gabriel Nadeau-Dubois. Ce dernier a fait tout un pari en choisissant de crever l’abcès qui gonflait un peu plus chaque année au sein de sa formation politique. Le chef parlementaire de QS pourra maintenant agir à visière levée dans l’important virage qu’il compte faire prendre à son parti. Le dernier conseil national de sa formation politique s’est bien déroulé; cependant, l’essentiel du travail reste encore à faire. Si l’exercice n’a pas donné lieu au festival de chemises déchirées que certains avaient prévu, les débats des prochains mois pourraient démobiliser certains militants.

Après avoir insisté pendant des mois, Andrés Fontecilla et Christine Labrie sont finalement arrivés à convaincre la ministre France-Élaine Duranceau d’en faire davantage pour les locataires aînés. La tâche n’a pas été simple. Les deux députés peuvent néanmoins se targuer d’avoir réussi l’un des meilleurs coups de QS depuis longtemps.

Après avoir gagné en popularité de façon marquée, le Parti québécois et Paul St-Pierre Plamondon se retrouvent maintenant devant un certain plafonnement dans les intentions de vote. Cela est peut-être un mal pour un bien. La dernière chose que souhaitent les militants péquistes est sans doute de monter trop haut, trop vite pour ensuite piquer du nez.

Même si les appuis en faveur de la souveraineté font du surplace, le chef péquiste ne dévie pas de sa trajectoire et continue de promettre la tenue d’un référendum dans un premier mandat. Dire de ce référendum qu’il est inévitable, comme il l’a fait au dernier conseil national de son parti, était sans doute prématuré, mais PSPP a le mérite d’assumer, comme peu de ses prédécesseurs l’ont fait, les implications de ses choix.

Source: Radio Canada

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