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Le plus récent portrait de l’Office québécois de la langue française (OQLF) sur la vitalité du français au Québec fait état d’importantes disparités entre les régions, dans le contexte où Montréal et Gatineau se distinguent du reste de la province en enregistrant une diminution plus marquée de la proportion de leurs citoyens pouvant soutenir une conversation en français.
Le rapport quinquennal de l’OQLF, qui a été déposé mercredi au Salon bleu par le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, présente 18 grands constats sur l’état de santé du français au Québec. Des thèmes comme les jeunes et la culture, la langue d’enseignement et de travail, le contexte démolinguistique et l’immigration, ou bien les disparités régionales, sont abordés.
Dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) de Montréal et de Gatineau, les francophones représentent toujours une part moins importante de la population qu’ailleurs au Québec, s’établissant à 66 % pour Montréal et 73 % dans la plus grande ville de l’Outaouais, comparativement à 94 % dans le reste de la province.
Or, si cette situation n’est pas nouvelle, cet « écart a augmenté [et] à cela s’ajoute le fait que la proportion de la population qui est capable de soutenir une conversation en français a diminué dans les RMR de Montréal et de Gatineau, et ce, plus qu’ailleurs au Québec », rappelle l’OQLF.
« Ces évolutions surviennent en même temps que l’on constate une utilisation visiblement moindre du français dans la sphère publique dans ces deux RMR. Ainsi, non seulement la part de personnes travaillant principalement en français a davantage décru dans ces deux territoires que dans les autres régions du Québec, mais les données montrent aussi que la part de la population utilisant principalement le français hors de la maison y est nettement plus faible qu’ailleurs », ajoute l’organisme.
Dans ces deux villes, « le tiers des adultes utilisent régulièrement l’anglais à l’extérieur de la maison », alors que « la proportion des adultes sondés qui déclaraient utiliser à égalité le français et l’anglais ou surtout l’anglais à l’extérieur de la maison était nettement plus élevée dans les RMR de Montréal (32 %) et de Gatineau (37 %) que dans les autres RMR du Québec (de 4 % à 9 %) ».
Les jeunes et la langue
Dans son rapport quinquennal, l’OQLF note également qu’une part « substantielle » des jeunes se dit favorable à l’utilisation de l’anglais au travail, dans les commerces et dans l’univers numérique.
« Au Québec, les personnes de 18 à 34 ans sont proportionnellement plus nombreuses que leurs aînés à connaître la langue anglaise, et le tiers d’entre elles disent préférer travailler à la fois en français et en anglais ou uniquement en anglais », peut-on lire dans le document. De plus, « la majorité des 18 à 34 ans utilisent couramment l’anglais pour […] publier sur les réseaux sociaux, jouer à des jeux vidéo, écouter des balados ou faire du magasinage en ligne », ajoute-t-on.
« En une douzaine d’années, il y a eu une diminution de la part des travailleuses et travailleurs de 18 à 34 ans déclarant utiliser le français durant au moins 90 % de leur temps de travail. Cette part est passée de 64 % en 2010 à 58 % en 2023 », poursuit l’OQLF.
En matière d’enseignement, parmi les cégépiens montréalais provenant du secondaire en français, « un sur quatre étudie dans un collège anglophone ».
« Malgré les avancées de la scolarisation en français [au primaire et au secondaire], qui sont un résultat de l’adoption de la [Charte de la langue française, en 1977], des enjeux particuliers semblent poindre en ce qui concerne l’enseignement collégial. Ainsi, on observe un attrait grandissant, parmi les jeunes scolarisés en français au secondaire, à poursuivre leurs études en anglais plutôt qu’en français au collégial », affirme l’OQLF.
« Sur l’île de Montréal, parmi les personnes nouvellement inscrites au collégial venant du secondaire en français, la part de celles qui ont opté pour un collège anglophone est passée de 18 % à 25 % entre 2011 et 2021. Ailleurs au Québec, cette part est passée de 3,1 % à 5,5 % », ajoute-t-on. Notons que le gouvernement Legault a refusé d’imposer la loi 101 au cégep, mais qu’il a mis en place de nouvelles exigences pour les francophones et les allophones qui étudient dans les cégeps anglophones afin qu’ils réussissent l’épreuve uniforme de français avant d’obtenir leur diplôme d’études collégiales.
Soutenir une conversation en français
Au niveau démolinguistique, le rapport de l’OQLF note que « la part de la population qui connaît suffisamment le français pour soutenir une conversation a diminué » de 2016 à 2021, une faible descente qui est passée de 95 % à 94 %.
Dans le contexte où l’immigration temporaire a explosé au cours des dernières années, l’organisme responsable de l’application de la Charte de la langue française rappelle que « la proportion d’individus connaissant assez le français pour soutenir une conversation, qui était de 94 % dans l’ensemble de la population québécoise en 2021, n’était que de 76 % parmi les immigrantes et immigrants récents et de 68 % parmi les résidentes et résidents non permanents ».
En matière de langue utilisée au travail, « la part de personnes utilisant le plus souvent le français au travail a légèrement diminué (s’établissant à 80 % en 2021) au profit de la part de personnes utilisant le plus souvent l’anglais (14 % en 2021) ». Pour l’OQLF, « il s’agit du prolongement d’une tendance, puisque la part de personnes travaillant principalement en français a diminué à chaque recensement après celui de 2006 ».
Dans les commerces, malgré les nombreuses dénonciations du « Bonjour Hi » à Montréal, « le service est spontanément donné en français sur l’île de Montréal neuf fois sur dix ».
« Les résultats obtenus en 2023 concernant six zones urbaines du Québec montrent que l’impossibilité de se faire servir en français est un phénomène marginal », ajoute-t-on, précisant que « sur l’île de Montréal, dans 90 % des cas, le service est donné en français par le personnel à la suite d’une question posée en français par la cliente ou le client ».
« Si, à Québec et à Sherbrooke, l’accueil dans les commerces se fait presque uniquement en français, il en va autrement sur l’île de Montréal, à Laval et à Gatineau, où le taux d’accueil en français uniquement est plus faible (il y était respectivement de 71 %, de 80 % et de 86 % en 2023). Par ailleurs, les données récoltées au fil des ans dans les commerces de l’île de Montréal montrent que l’accueil en français uniquement y a diminué, alors qu’à l’inverse l’accueil bilingue, c’est-à-dire l’accueil à la fois en français et en anglais, y a augmenté », écrit l’OQLF.
Source: la presse