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Cette décision survient après que les provinces ont indiqué qu’elles n’allaient plus enfermer dans leurs prisons des personnes détenues en lien avec un dossier d’immigration.
Le gouvernement Trudeau veut « permettre l’utilisation d’établissements correctionnels fédéraux à des fins de détention liée à l’immigration à risque élevé », peut-on lire dans le budget déposé mardi.
Cet énoncé enfoui tout au bas du document financier – à l’annexe 3, page 475 – soulève la colère d’organismes de défense des droits de la personne.
J’ai ressenti un grand sentiment de trahison
, a affirmé Lloyd Axworthy, président du Conseil mondial pour les réfugiés et les migrations.
« Nous pensons que c’est incompatible avec les valeurs canadiennes fondamentales et que c’est une trahison de l’idée qu’on se fait de notre pays en tant que terre d’accueil », a renchéri Allan Rock, aussi membre du Conseil.
Selon eux, l’incarcération de personnes pour des raisons liées à l’immigration est aussi contraire aux droits fondamentaux des individus et au droit international.
Leur organisme compte parmi les groupes qui ont milité aux côtés de Human Rights Watch et d’Amnistie internationale pour convaincre les provinces de mettre fin à leurs ententes avec le gouvernement fédéral en matière d’emprisonnement des migrants.
La phrase du budget fédéral 2024 qui fait bondir des organismes de défense des droits de la personne
Annexe 3, p.475 […] Le gouvernement propose d’apporter des modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés afin de permettre l’utilisation d’établissements correctionnels fédéraux à des fins de détention liée à l’immigration à risque élevé.
Le projet d’Ottawa de se tourner vers les pénitenciers, qui accueillent les personnes qui ont commis les crimes les plus graves, est tout à fait inacceptable
, selon Allan Rock.
Ils ont choisi l’option nucléaire
, soutient Lloyd Axworthy.
Ces deux anciens ministres fédéraux libéraux estiment que la proposition du gouvernement Trudeau va à l’encontre des valeurs libérales.
Ils s’engagent à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher sa mise en œuvre.
Les bureaux des ministres fédéraux de l’Immigration, Marc Miller, et de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, ont refusé de commenter. Nos questions ont été transférées au ministère des Finances à titre de responsable du budget. Ce dernier n’a pas fourni de réactions avant notre heure de tombée.
Le fait que le gouvernement fédéral prévoit incarcérer uniquement les migrants à risque élevé dans les pénitenciers ne rassure en rien Allan Rock.
L’Agence des services frontaliers du Canada exagère les risques à la sécurité publique depuis le début
, dit-il.
Et en passant, s’il y a des inquiétudes quant à la sécurité, il existe des centres fédéraux de surveillance qui peuvent accueillir près de 500 personnes en Colombie-Britannique, au Québec et en Ontario, et ce sont essentiellement des prisons à sécurité moyenne
, a-t-il ajouté.
En vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) peut détenir des ressortissants étrangers, y compris des demandeurs d’asile, si elle juge que leur identité n’est pas clairement établie, qu’ils posent un risque pour la sécurité ou qu’ils représentent un risque de fuite.
La vaste majorité des 71 988 migrants qui ont été détenus par l’ASFC entre 2012 et 2023 l’ont été pour risque de fuite, c’est-à-dire que l’agence craignait qu’ils se soustraient à une mesure d’immigration, comme un renvoi.
L’Agence pouvait alors décider de les détenir dans l’un de ses trois centres fédéraux de surveillance de l’immigration, à Laval, à Toronto ou à Surrey en Colombie-Britannique, ou de les envoyer dans une prison provinciale.
Au fil des ans, des migrants ont été envoyés en prison s’il n’y avait pas de centre fédéral dans la province où ils étaient détenus, s’ils étaient considérés comme à haut risque ou s’ils souffraient de problèmes de santé mentale.
Toutefois, depuis 2022, toutes les provinces canadiennes ont refusé l’une après l’autre de détenir des personnes pour des motifs liés à l’immigration ou se sont engagées à mettre fin à cette pratique controversée d’ici les prochains mois.
Plusieurs provinces avaient signé avec l’ASFC des contrats formels qui les obligent à lui donner un préavis d’un an pour résilier leurs ententes.
Récemment, l’ASFC a affirmé que maintenant, seules les personnes qui soulèvent de sérieuses inquiétudes quant au danger pour le public, les autres détenus ou le personnel
sont détenues dans des établissements correctionnels dans les provinces où la mesure est encore en vigueur pour l’instant.
Source: Radio Canada