Une nouvelle loi sur la police entre en vigueur en Ontario, cinq ans après son adoption

1 avril 2024
Une nouvelle loi sur la police entre en vigueur en Ontario, cinq ans après son adoption

Assahafa.com

C’est une « grande refonte » pour le monde policier. La nouvelle Loi sur la sécurité communautaire et les services policiers de l’Ontario entre en vigueur ce lundi, cinq ans après avoir été adoptée par le gouvernement Ford. Elle vient remplacer une loi qui datait de plus de 30 ans.

Le texte est imposant (Nouvelle fenêtre) : 17 parties, 263 articles et près d’une trentaine de règlements d’application, élaborés à l’issue d’une longue période de consultations.

La loi instaure notamment des codes de conduite pour les policiers et les agents spéciaux, et vient uniformiser les pratiques à l’échelle de la province.

Elle veille à ce que des normes minimales soient respectées, en ce qui a trait aux effectifs, au temps de réponse et à l’équipement par exemple, ou dans une situation d’assaillant actif, explique Mark Baxter, président de l’Association des policiers de l’Ontario (PAO). C’est, selon lui, un moyen de mettre les plus petits corps policiers sur un pied d’égalité avec les grands.

La PAO voit aussi dans cette loi une modernisation de la culture interne, une manière de rendre les lieux de travail plus sûrs et inclusifs.

L’Inspecteur général

La loi réforme également les mécanismes de supervision des corps policiers, avec une nouvelle Agence des plaintes contre les forces de l’ordre, et un poste d’Inspecteur général des services policiers, une première au pays.

Assisté d’une soixantaine d’employés et doté d’un budget de fonctionnement annuel d’environ 8 millions de dollars, l’inspecteur devra s’assurer du respect de la loi : il pourra mener des inspections, lancer des enquêtes, et répondra lui aussi aux plaintes du public.

Ryan Teschner, qui a été nommé à ces fonctions, insiste aussi sur l’aspect proactif de son mandat. Nous aurons accès à une base de données et de renseignements qui nous aidera à surveiller le rendement des services de police, à identifier les domaines où ils peuvent s’améliorer, note-t-il en entrevue. Il croit que cette structure apporte plus de transparence.

L’inspecteur a le pouvoir de rappeler à l’ordre les corps policiers en cas de problème, et peut aller jusqu’à suspendre voire révoquer un chef de police ou les membres d’une commission des services policiers. Dans des circonstances extrêmes, cela peut impliquer la nomination d’une personne pour superviser, ou la dissolution d’une commission de police ou d’un service de police dans son ensemble, ajoute Ryan Teschner.

Règles disciplinaires

La loi donne aussi plus de pouvoirs aux chefs de police en matière de suspensions sans solde. Auparavant, une telle sanction était possible seulement lorsqu’un agent était reconnu coupable d’une infraction et condamné à une peine d’emprisonnement. Un chef pourra maintenant imposer une suspension sans salaire à un policier s’il est accusé d’une infraction grave, si l’infraction reprochée est survenue en dehors de l’exercice de ses fonctions.

L’Association des chefs de police de l’Ontario se réjouit de ces changements, mais souhaiterait que la loi aille encore plus loin en incluant les fautes graves commises dans le cadre du travail. Nous n’avons pas les mêmes pouvoirs que les chefs d’ailleurs au Canada. Et il faut se demander ce qui différencie l’Ontario de nos collègues des autres provinces à cet égard, souligne Joe Couto, porte-parole.

Discriminatoire, disent les Premières Nations

Cette loi est par ailleurs source d’inquiétudes pour les communautés autochtones de la province, qui font remarquer que le texte stipule, explicitement, que les règlements administratifs des Premières Nations n’ont pas à être appliqués.

Ces règlements sont des lois locales que les Premières Nations peuvent adopter pour encadrer la vie collective sur leur territoire, qui traitent par exemple des problèmes d’intrusion, de vagabondage, de drogues et de vente d’alcool. Ces lois reflètent les besoins uniques de chaque communauté, contrairement aux lois provinciales, affirme Rodney Nahwegahbow, chef de la Première Nation de Whitefish River et ancien membre du Service de police UCCM Anishinaabe.

Que ces règlements soient maintenant délibérément exclus dans le langage de la loi est inacceptable et discriminatoire, lance Laurie Carr, cheffe de la Première Nation Hiawatha. Ça va juste créer le chaos et la confusion.

Cela signifie que dorénavant, lorsqu’une force policière interviendra dans une communauté, elle ne sera pas tenue d’appliquer les lois locales en vigueur, poursuit Abram Benedict, Grand chef du Conseil de Mohawks d’Akwesasne, qui rappelle que certaines Premières Nations relèvent de la Police provinciale de l’Ontario (PPO), d’autres ont des arrangements avec des services de police municipaux ou ont leur propre service local de police.

Le bureau du Solliciteur général de l’Ontario réplique que les policiers peuvent faire appliquer les règlements d’une Première Nation, toutefois l’organisation des Chefs de l’Ontario (COO) réclame un amendement pour que cette application soit obligatoire, et non laissée à la discrétion des agents.

La nouvelle loi donne aussi l’option aux Premières Nations, au cas par cas, de négocier l’application de leurs règlements en concluant une entente écrit avec la province. Mais ce processus ne se fait pas du jour au lendemain. Ça prend du temps, rétorque Abram Benedict. Il y a toutes sortes de tractations. Donc en attendant, il y aura tout de même des lacunes et potentiellement des risques pour la sécurité.

Le gouvernement de l’Ontario a rencontré les Chefs de l’Ontario à plusieurs reprises au cours de la dernière année et continuera à […] travailler en collaboration pour explorer des moyens de maintenir la sécurité publique dans les communautés des Premières Nations, écrit un porte-parole du Solliciteur général Michael Kerzner.

Période d’évolution

D’autres lacunes ont été relevées dans cette loi. La Commission ontarienne des droits de la personne, par exemple, salue des avancées sur le plan de la transparence et de la surveillance. Mais d’autres protections des droits de la personne n’y sont pas abordées, note l’organisme dans une déclaration.

La CODP aurait voulu qu’il y ait des normes plus strictes sur l’utilisation de pistolets électriques et que la province encourage le recours à d’autres types d’interventions, non policières, en cas de crises de santé mentale entre autres.

Mark Baxter de l’Association des policiers de l’Ontario reconnaît qu’il y aura une période de transition dans la mise en œuvre de cette loi, mais soutient qu’elle offre déjà un bon équilibreLe 1er avril ce n’est pas la fin, mais le début, affirme pour sa part Joe Couto.

Source: Radio Canada

Derniers articles
Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d'analyse.
j'accepte!