Le Canada et l’Ukraine, entre la parole et le champ de bataille

19 février 2024
Le Canada et l’Ukraine, entre la parole et le champ de bataille

Assahafa.com

Après deux ans d’une guerre d’usure, les soldats ukrainiens peinent toujours à percer les lignes de défense russes. L’heure est aux bilans. Le Canada a-t-il vraiment fait le maximum pour aider l’Ukraine sur le champ de bataille?

Le Canada va être là pour l’Ukraine, avec tout ce que ça prend, pendant aussi longtemps que ça prendra, avait déclaré Justin Trudeau lors de son passage dans la capitale ukrainienne en juin dernier.

De Kiev à Ottawa, le premier ministre a multiplié les apparitions aux côtés du président Volodymyr Zelensky depuis deux ans, réaffirmant à chaque occasion l’appui du Canada. Toutefois, l’aide militaire canadienne est-elle à la hauteur du discours de ses dirigeants?

Le professeur Justin Massie estime qu’il y a un décalage entre les prises de position publiques canadiennes et l’aide offerte sur le terrain.

Je pense que le Canada a une approche d’aide plutôt modeste par rapport à ses grandes paroles. On est beaucoup plus dans une stratégie d’image.

 

 

 

 

Le professeur Massie souligne que le Canada se situe au 20e rang en matière d’aide militaire à l’Ukraine en fonction du PIB national, selon les données les plus récentes publiées vendredi par l’Institut Kiel en Allemagne. Pour ce qui est de l’aide totale à l’Ukraine (financière, humanitaire et militaire), le Canada est 31e sur 39 pays par rapport à son PIB.

Le Canada est en queue de peloton pour ce qui est de l’envoi de chars d’assaut (huit) et d’artillerie lourde (quatre systèmes d’obusiers) à l’Ukraine. Dans le cas de ces deux types d’armement, le Canada se compare au Portugal, souligne le professeur Massie.

Le Canada a été un des premiers pays à envoyer des chars d’assaut en Ukraine, se défend le ministre de la Défense, Bill Blair. Il rappelle que le Canada a fourni 2,4 milliards de dollars en aide militaire depuis le début de la guerre.

Toutefois, Justin Massie déplore l’absence de planification dans l’acquisition de matériel militaire qui permettrait de soutenir l’aide canadienne dans le temps. Il y a vraiment un fossé très important entre l’aide et les paroles du gouvernement fédéral, croit-il.

De plus, certaines promesses tardent à se matérialiser. Le système de défense sol-air (NASAMS) promis par le Canada à l’Ukraine il y a plus d’un an se fait toujours attendre.

Le Canada n’en a pas en stock et doit l’acheter aux États-Unis. Nous sommes toujours dans la file d’attente et sommes engagés dans des négociations contractuelles, a admis le ministre Bill Blair en entrevue à Radio-Canada.

L’esprit de guerre

Que pensent les alliés du Canada de sa contribution militaire? Aucun diplomate interrogé par Radio-Canada n’a osé adresser publiquement des reproches à Ottawa. Les émissaires du Royaume-Uni et de la France saluent l’aide financière fournie par le Canada et sa contribution à l’entraînement des soldats ukrainiens.

Difficile, toutefois, d’ignorer que le Canada est encore loin de la cible de l’OTAN d’un budget de défense qui équivaudrait à 2 % de son PIB. En 2023, le gouvernement canadien en était à 1,38 %, selon les estimations de l’Alliance atlantique.

L’ambassadeur de la France au Canada, Michel Miraillet, n’a pas l’impression que la défense est en tête de liste des priorités pour les élus canadiens.

Lorsque j’interroge les parlementaires de la commission de la Défense, lorsque je leur dis : “Pourquoi rester à 1,38 % du PIB pour les questions de défense?”, la réponse, c’est : “Mais ce n’est pas une priorité pour nos électeurs, la défense n’est pas un sujet. Le sujet, c’est le logement, la santé, l’éducation”, explique-t-il.

Selon lui, le gouvernement Trudeau ne devrait pas porter seul la responsabilité du bilan militaire canadien. Ce n’est pas uniquement le gouvernement actuel, c’est aussi une politique budgétaire des conservateurs bien avant, croit l’ambassadeur Miraillet.

La haute-commissaire britannique Susannah Goshko rappelle les engagements pris par le Canada.

Il est important que les pays membres de l’OTAN, qui se sont mis d’accord aux dernières réunions de l’OTAN [pour] dépenser 2 % du PIB au minimum dans la défense, il est important que nous essayions d’y arriver. Ça, c’est important non seulement pour l’Ukraine mais aussi pour la stabilité mondiale, souligne-t-elle.

Au-delà des investissements, c’est la prise de conscience collective qui compte face aux régimes autoritaires comme celui de la Russie, croit l’ambassadeur français.

Nous voyons revenir ce son de guerre et ce n’est pas un petit conflit juste pour les Ukrainiens. C’est un État totalitaire qui essaie d’écraser et qui ne s’arrêtera pas. L’histoire est là pour nous l’enseigner, souligne l’ambassadeur Miraillet.

Alors que l’aide des États-Unis à l’Ukraine vacille et que le candidat à l’investiture républicaine Donald Trump remet en question la clause de protection collective de l’OTAN, les alliés européens appellent à redoubler d’ardeur en matière d’’aide à l’Ukraine.

Pour le professeur Justin Massie, les déclarations de Donald Trump devraient servir d’avertissement pour le Canada. Selon lui, le gouvernement Trudeau devrait saisir cette occasion pour augmenter ses budgets de défense et pour créer de nouveaux partenariats stratégiques avec ses alliés européens.

À ses yeux, le Canada n’est pas au rendez-vous pour le moment. Il y a un problème majeur entre l’ambition qu’on veut se donner comme pays sur la scène internationale et les moyens ridicules que l’on prend pour y arriver, constate le professeur.

Source: Radio Canada

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