Assahafa.com
Par Abderrahmane Adraoui
«L’imam dont on espérait la baraka est entré dans la mosquée avec ses babouches.» Ce dicton tiré des fins fonds de la culture orale marocaine pourrait résumer l’attitude défiante, provocatrice, liberticide et éhontée du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, depuis sa nomination.
Interpellé dans l’affaire Escobar du Sahara pour avoir notamment été l’avocat des deux principaux suspects, Abdellatif Ouahbi a menacé de poursuivre quiconque critiquerait son attitude ou bien son parti politique, le PAM, comme si l’on devait leur ériger un piédestal en diamants.
Le comble, c’est que le ministre est passé à l’acte peu de temps après avoir été écarté de la direction du PAM qui, après ses fracassantes bourdes, a préféré une direction collégiale en se disant que trois cerveaux réfléchissent mieux qu’un. Le ministre qui s’est vanté un jour de «connaître la couleur des chaussettes» d’un des ses interlocuteurs car il aurait supposément «la main» sur la police judiciaire a déposé plainte contre Mohamed Réda Taoujni et Hamid El Mahdaoui. Ces derniers subissent actuellement le jeu des questions réponses des éléments de la police judiciaire.
Alors que Abdellatif Ouahbi s’acharne sur les journalistes qui ne font que leur travail, Abderrahmane Adraoui, directeur du journal Assahafa.com, basé au Canada, rapporte qu’ «à Fès dernièrement, on a voulu réserver une table dans un restaurant, mais le gérant nous a informés qu’une personnalité l’avait réservé en entier pour lui et sa femme. Nous lui avons suggéré de venir à 18h et de quitter à 19H, ce qui fut accepté et fait. Lors de la discussion avec le gérant, il nous a révélé que le ministre Ouahbi et sa femme avaient réservé le restaurant. Si Ouahbi a la capacité de réserver un restaurant célèbre avec un chef réputé pour jouir de bons moments avec sa femme, s’il a les moyens d’envoyer son fils étudier au Canada, pourquoi veut il priver Mohamed Réda Taoujni de cette aptitude à passer des moments heureux avec sa femme et ses enfants ? (…) Que ressent le ministre quand il laisse Hamid El Mahdaoui passer 9 heures d’interrogatoire à la PJ ? La facture de la réservation du restaurant réputé à Fès a-t-elle été payée par l’argent personnel du ministre ou comptabilisée dans les dépenses courantes du ministère qu’il chapeaute, sachant qu’au Canada, une ministre a été obligée de démissionner après avoir consommé un jus à 20 euros réglé avec l’argent du contribuable ?»
Si le ministre de la Justice aime profiter des joies de la vie, pourquoi s’entête-il à vouloir en priver des journalistes qui, après tout, n’ont fait que leur métier. Ulcéré par son départ de la direction du PAM, Ouahbi essaie-t-il de se venger sur les journalistes qui le critiquent ? Qui a embrigadé et mobilisé certaines plumes cupides pour décrédibiliser Mohamed Réda Taoujni et Hamid El Mahdaoui, au point de vouloir semer le doute sur la qualité de journalistes de ces derniers ?
Aujourd’hui, toute personne peut, munie d’une plume et d’un téléphone, donner son avis sur l’actualité au Maroc et dans le monde. Donc, ces deux hommes n’ont rien fait de répréhensible en disant que Abdellatif Ouahbi a donné son accréditation pour que les deux élus impliqués dans l’affaire Escobar briguent le mandat de député.
Aujourd’hui, plusieurs zones d’ombre, doutes et suspicions gravitent autour du PAM. Si sa direction était intelligente, elle aurait répondu aux interrogations de la presse et des citoyens de façon claire et transparente. Au lieu de cela, le parquet et la BNPJ semblent être devenus des outils entre les mains du ministre Ouahbi pour museler toute personne critique envers le PAM. Quiconque ose le critiquer lui ou ses dirigeants risque de se retrouver en prison !
En réalité, Mohamed Réda Taoujni et Hamid El Mahdaoui sont une sorte de psychiatres, des soupapes d’évacuation de la pesante pression et du sentiment de Hogra que ressentent les Marocains en suivant pareils scandales. Au lieu de les emprisonner, on devrait les rémunérer et les décorer pour services rendus aux Marocains et non pas les jeter en prison. Et pour cause, en agissant de la sorte, ces journalistes permettent aux Marocains d’expier une partie de la déception générée par la conduite de nos dirigeants. Si des journalistes comme eux n’existaient pas, les Marocains auraient envahi les rues depuis belle lurette pour crier leur ras-le-bol. Durant le règne de Hassan II, des responsables se sont plaint au Roi des critiques des Marocains, ce dernier leur a répondu : « Que voulez-vous ? Voulez vous que les gens éclatent ? »
Un (vrai) responsable doit se placer en haut de la mêlée et même quand les faits reprochés sont graves, il suffit d’un communiqué ou d’un droit de réponse. Or, la censure de facto en instrumentalisant la justice est nulle et non avenue. Le Maroc ne va pas marcher à reculons pour flatter l’égo d’Abdellatif Ouahbi et compagnie. Ce dernier est entrée dans l’histoire par la mauvaise porte en étant le premier ministre à poursuivre et à emprisonner des journalistes pour avoir abordé des affaires qu’ils ont le droit de traiter, puisque l’information relève du domaine public, tout comme ceux qui s’empressent d’occuper des postes de responsabilité. En emprisonnant les personnes qui traitent de la liaison du PAM avec l’affaire Escobar, on ne fait que confirmer les soupçons des gens.
Au début du règne du Roi Mohammed VI, on s’est demandé que faire avec les barons de la drogue ? Un consensus a été dégagé sous la supervision d’Ilias El Omari convenant que les barons allaient investir leur argent au Maroc et rester loin des projecteurs de la justice. Si, aujourd’hui, vingt ans après, certains essaient d’incriminer El Omari dans l’affaire Escobar du Sahara, ils oublient le rôle qu’il a joué dans ce consensus. Si le Nord du pays s’est embelli au fil des ans, c’est grâce à l’argent de la drogue. Il ne faut pas se voiler la face.
Quant au PAM, l’on est en droit de se demander si les deux députés emprisonnés sont les seuls à avoir des liens avec les trafiquants de drogue et de s’interroger sur la façon dont leur candidature a été accréditée, sachant qu’un parti enquête en amont sur ses futurs élus et sur l’origine de leur fortune ? Cela veut dire que le PAM était d’accord pour les accréditer quoi que l’un ait écopé de peines de prison et que l’autre soit un trafiquant de drogue.
En agissant de la sorte, Abdellatif Ouahbi a créé de nombreux problèmes non seulement pour son parti, mais aussi pour le gouvernement, dont tous deux pouvaient bien se passer… Si un remaniement ministériel devait avoir lieu, le ministre de la Justice devrait en profiter pour sortir par la petite porte sans drames et sans fracas. Il a commis tellement de bourdes, d’erreurs et de problèmes avec nombre de corporations et il a omis de tenir nombre de promesses comme celle de régler la question des détenus du Hirak du Rif alors qu’il ne sait rien de la procédure de la grâce ! Le comble est que le ministre veut créer une liberté censitaire pour les auteurs de crimes et délits. Il suffit d’être fortuné pour éviter la taule, créant ainsi deux justices : une pour les riches et une autre pour les pauvres.
Autre aspect et non des moindres, les personnes rétrogrades animées d’une pensée réactionnaire, quels rôles peuvent ils jouer dans le Maroc de demain, celui que l’on construit depuis plus de 20 ans ? Que dirait Abdellatif Ouahbi et compagnie si, demain, un autre journaliste crée des influenceurs virtuels avec l’intelligence artificielle pour critiquer les débordements et les bourdes de certains décideurs ? Vont-ils les traîner, menottes aux mains…pardon à la souris…, pour les faire comparaître devant la justice ?
Aujourd’hui, une vérité a sauté aux yeux des Marocains : une partie de la sphère politique est devenue impliquée avec des trafiquants de drogue. Pour les convaincre du contraire, un grand ménage de printemps devrait avoir lieu pour les rassurer et surtout pour restaurer l’image du Maroc ternie par certains de ses décideurs.
Abderrahmane Adraoui
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