AnalyseFAE : quelqu’un ressort-il vraiment gagnant de la négociation?

5 février 2024
AnalyseFAE : quelqu’un ressort-il vraiment gagnant de la négociation?

Assahafa.com

Malgré la ratification de l’entente de principe, bien des doutes subsistent sur la capacité du réseau de l’éducation à se transformer.

Même si leur réaction officielle tenait en quelques mots à peine, le ministre de l’Éducation et la présidente du Conseil du trésor ont dû pousser un immense soupir de soulagement lorsque la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a confirmé, vendredi, que l’entente de principe intervenue entre elle et le gouvernement avait été entérinée par ses membres.

Après l’expérience de l’automne, un retour à la table de négociation aurait été aussi imprévisible que périlleux, dans un contexte de vive inquiétude de la part des parents et de grande frustration de la part du corps enseignant.

Les prochaines négociations n’auront pas lieu avant plusieurs années, ce qui devrait en théorie calmer les esprits et offrir de la stabilité au réseau. Dans le contexte actuel, rien n’est toutefois moins sûr.

On dit souvent qu’une entente est préférable à pas d’entente, ou pire, à une loi spéciale, mais on pourrait difficilement imaginer un contexte aussi peu favorable à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention collective.

Les enseignants sont déçus et divisés comme on l’a rarement vu, du moins à en juger par le résultat des votes extrêmement serrés tenus ces dernières semaines. L’entente de principe a été ratifiée par la peau des fesses, par quelques points de pourcentage. Près de la moitié des profs qui se sont prononcés l’ont rejetée – et nombre d’entre eux n’ont même pas pris la peine de participer au processus.

Parmi ceux qui s’y sont montrés favorables, beaucoup l’ont fait par lassitude, ou par crainte que de nouveaux moyens de pression ne les privent de revenus ou exacerbent les tensions.

La frustration est manifeste à l’égard du gouvernement, qui n’a pas répondu à leurs demandes les plus pressantes en matière de composition de la classe, mais aussi à l’égard de leurs dirigeants syndicaux qui, au terme d’une grève générale illimitée, ont conclu une entente qui ne contenait pas les avancées espérées.

Dans un camp comme dans l’autre, on a fait le pari que de bonnes hausses de salaire apaiseraient les frustrations des syndiqués, mais on n’a visiblement pas bien saisi l’essentiel du message exprimé par la base.

Quant au gouvernement, on attend encore qu’il nous explique quels gains substantiels la négociation lui a permis de réaliser. L’affectation des classes se fera dorénavant plus tôt durant le mois d’août, ce qui évitera le psychodrame de la rentrée vécu l’été dernier, lorsque plus de 8000 enseignants devaient encore être recrutés à quelques jours de la rentrée. Toutefois, on comprend mal ce que cela changera concrètement le reste de l’année.

Parents et citoyens ont de quoi se montrer sceptiques dans tous les cas. Le gouvernement justifie les hausses de salaire consenties en disant avoir obtenu des enseignants une flexibilité qui rehaussera la qualité des services, alors que ces derniers répètent que la nouvelle convention collective ne réglera rien des problèmes vécus sur le terrain au quotidien.

Et si le cas de la FAE est celui qui a le plus retenu l’attention, la situation n’est pas très différente parmi les autres centrales syndicales.

Occasion manquée

Dès le départ, la négociation actuelle devait pourtant être l’occasion de grands changements structurels.

En point de presse en décembre 2022, flanquée de ses collègues Bernard Drainville et Christian Dubé, la présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, avait longuement exposé la nécessité d’apporter des modifications substantielles aux conventions collectives des employés des réseaux de l’éducation et de la santé, afin d’offrir de meilleurs services aux Québécois.

Si nous faisons toujours les choses de la même façon, nous aurons toujours les mêmes résultats. Il est maintenant temps d’agir afin de mettre [fin] à ce cycle. Le Québec est mûr pour attaquer les problèmes de front, pour enfin pouvoir avancer dans la bonne direction, avait-elle déclaré.

Dans les médias, des chefs syndicaux avaient sensiblement tenu le même genre de propos, évoquant la nécessité d’un grand virage, insistant pour dire que le statu quo n’est pas une option. Ces arguments n’ont fait que s’amplifier au cours des derniers mois, et les moyens de pression ont pris de l’ampleur.

Juste avant les fêtes, le discours ne tournait plus tant autour des conditions de travail que de l’idée qu’il fallait sauver l’école publique. C’est sans compter que, pour mobiliser les enseignants, on a fait miroiter des avancées potentielles pour lesquelles le gouvernement n’avait pourtant pas manifesté la moindre ouverture.

Bref, de part et d’autre, on a fait monter les attentes, à la fois des enseignants, mais aussi des parents. Que l’amertume soit si vive aujourd’hui n’est pas surprenant, dans le contexte où on entend que peu de choses changeront au chapitre de l’organisation du travail.

Tout ça pour ça

Alors que le processus de négociation arrive à son terme, on peine à voir comment toute la rhétorique entendue ces derniers mois permettra vraiment de revaloriser la profession et d’attirer de nouvelles recrues. Ces derniers temps, les exemples de profs démissionnaires ou songeant à quitter la profession se sont multipliés dans les médias. On a déjà vu une meilleure publicité!

Au sein de la profession enseignante, le nouveau contrat de travail semble susciter moins d’espoir que de déception, des profs évoquant déjà leurs revendications pour la prochaine négociation prévue dans quatre ans. La grève laissera aussi des cicatrices sur le climat de travail et sur l’état d’esprit de beaucoup d’enseignants. Amers, bien des syndiqués seront tentés de montrer du doigt la nouvelle convention collective si les choses ne s’améliorent pas comme prévu.

À l’intérieur même de la FAE, des soubresauts sont aussi à prévoir. Insatisfaits du déroulement de la dernière négociation et de la stratégie retenue, des membres réclament déjà des changements aux façons de faire du syndicat, des statuts de l’organisation à la gestion des assemblées en passant par la composition de l’exécutif actuel.

En attendant, à bien des égards, on peut douter que le nouveau départ promis et espéré, à la fois par le gouvernement et les enseignants, au début des négociations, ait véritablement lieu.

Source: Radio Canada

Derniers articles
Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d'analyse.
j'accepte!