Environnement et climat : voici ce qui fera débat au Parlement en 2024

29 janvier 2024
Environnement et climat : voici ce qui fera débat au Parlement en 2024

Assahafa.com

De l’opposition à la tarification carbone au maintien des emplois en pleine transition énergétique, les députés fédéraux, qui sont de retour à la Chambre des communes, vont croiser le fer sur plusieurs questions environnementales. Voici les dossiers qui risquent de poser des défis au gouvernement Trudeau.

Tarification sur le carbone : et c’est pas fini…

Les travaux parlementaires reprennent deux semaines après que des Canadiens ont reçu leur premier remboursement de la taxe carbone.

Sujet de vives tensions qui ont connu un regain à l’automne dernier, le système fédéral de tarification de la pollution par le carbone, imposé dans la plupart des provinces et territoires, demeurera en 2024 une pomme de discorde entre le gouvernement et les élus conservateurs.

En octobre 2023, le gouvernement Justin Trudeau a soulevé l’ire de certaines provinces en accordant un répit de tarification carbone de trois ans aux foyers chauffant au mazout. De l’aveu du premier ministre Justin Trudeau, la mesure favorise les Canadiens des provinces de l’Atlantique; 30 % d’entre eux dépendent de ce combustible pour chauffer leur demeure.

Le gouvernement a toutefois fermé la porte aux demandes de l’Ontario, de l’Alberta et de la Saskatchewan, qui réclamaient une exemption similaire pour le gaz naturel. Dans la foulée, le premier ministre saskatchewanais Scott Moe a décidé que la taxe carbone ne serait plus perçue dans la province dès 2024.

La grogne suscitée par la gestion du gouvernement Trudeau dans ce dossier a donné des munitions au chef du Parti conservateur du Canada, qui milite activement pour l’abolition de la tarification carbone. Selon Pierre Poilievre, la taxe carbone vient ajouter une pression sur les épaules des Canadiens, qui doivent déjà faire face à une hausse du coût de la vie.

Début décembre, les élus conservateurs ont cherché à bloquer les travaux parlementaires afin de forcer le gouvernement Trudeau à concéder d’autres exemptions. En vain.

On a vu que Pierre Poilievre a réussi à désinformer des gens en disant que la tarification carbone est responsable de l’inflation, ce qui est tout à fait faux. L’inflation est en large partie le résultat d’une augmentation des prix du pétrole et du gaz, explique Caroline Brouillette, directrice générale du Réseau action climat Canada.

Bien que le gouvernement fédéral risque de vouloir protéger ce qu’il reste de son échafaudage de politique de tarification carbone cette année, il fera face à beaucoup d’adversité sur ce front, ajoute de son côté le directeur des relations gouvernementales chez Équiterre, Marc-André Viau. C’est l’espèce d’épine dans le soulier qui va rester jusqu’à la fin du mandat du gouvernement libéral.

La mauvaise décision d’exempter les provinces de l’Atlantique a créé une espèce de distorsion dans le mécanisme qui fait en sorte que le système se tient moins bien.

Une citation deMarc-André Viau, directeur des relations gouvernementales chez Équiterre

Des exemptions pour les agriculteurs?

Un autre groupe entend maintenir la pression sur le fédéral : l’industrie agricole.

Des producteurs de partout au pays comptent sur le projet de loi C-234 pour que le gouvernement leur accorde une pause de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Le projet de loi avait initialement comme objectif de soustraire les agriculteurs à la taxe carbone sur le gaz naturel et le propane pour certaines activités, dont le séchage des grains, le chauffage et la climatisation d’installations comme les granges et les serres.

Après avoir fait plusieurs allers-retours entre la Chambre des communes et le Sénat, le texte amendé a obtenu le feu vert de la Chambre haute en troisième lecture, en décembre dernier. Dans cette version, qui reviendra en début d’année entre les mains des députés fédéraux, l’exemption pour le chauffage et la climatisation des bâtiments a été retirée, au grand dam des producteurs agricoles.

Ces derniers, qui souhaitaient voir le texte initial être adopté tel quel, ont reçu l’appui de plusieurs provinces, dont la Saskatchewan, l’Alberta et l’Ontario.

Une joute est à prévoir entre la Chambre des communes et le Sénat, mais également entre le gouvernement et l’opposition, selon Marc-André Viau, qui rappelle que le projet de loi avait obtenu l’appui de tous les partis d’opposition au Parlement.

Le projet de loi sur les emplois durables ralenti

L’an dernier, les conservateurs se sont fait reprocher par les libéraux et les néo-démocrates de retarder l’adoption du projet de loi C-50, qui doit encadrer la transition énergétique au pays. Autrefois désigné par l’expression transition juste, le texte a été rebaptisé en cours de route pour éviter les querelles sémantiques avec certaines provinces.

La loi doit permettre d’accompagner et de protéger les travailleurs des industries plus polluantes qui pourraient être appelés à changer d’emploi lors de la transition.

À l’instar du gouvernement albertain de Danielle Smith, les députés conservateurs voient la loi sur les emplois durables comme un cheval de Troie destiné à démanteler – et ultimement faire disparaître – l’industrie pétrolière et gazière au pays. Le PCC dit donc s’opposer au projet de loi afin de protéger un secteur névralgique de l’économie des provinces de l’Ouest.

Selon la responsable du programme climat et énergie chez Environmental Defence, Aliénor Rougeot, le combat politique auquel se livrent les élus est surtout dû au fait que la loi vient affaiblir l’influence du secteur pétrolier et gazier sur les Canadiens.

Ça enlèverait l’emprise que l’industrie exerce sur des communautés et des travailleurs à qui elle se présente comme la seule solution.

Une citation deAliénor Rougeot, responsable du programme climat et énergie chez Environmental Defence

L’argumentaire ne tiendra plus la route dès lors que les travailleurs auront une passerelle efficace vers d’autres milieux, comme des emplois dans le secteur de l’énergie renouvelable, ajoute-t-elle.

Déposé en juin 2023 par le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, le projet de loi devrait passer sous la loupe du Sénat dès février. Environmental Defence dit espérer que le texte soit adopté d’ici juin.

Secteur pétrolier et gazier : un plafond à clarifier

Le ministre Steven Guilbeault a profité l’an dernier de la COP28 sur les changements climatiques, à Dubaï, pour dévoiler les grandes lignes de son cadre pour plafonner les émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier. Le fédéral exigera que l’industrie réduise ses émissions de 35 à 38 % d’ici 2030 sous les niveaux de 2019.

Cette promesse phare, dont la mise en œuvre est attendue avec impatience par les groupes environnementaux, doit se concrétiser davantage cette année avec le dépôt d’une réglementation en bonne et due forme.

L’organisation Environmental Defence souhaite pouvoir consulter le texte du projet de règlement d’ici mars. Pour l’heure, ça ne contraint personne, souligne Aliénor Rougeot.

Bien qu’elle salue l’imposition d’un plafond, Mme Rougeot déplore que les cibles du cadre soient en deçà de celles imposées à l’ensemble du pays, soit de réduire les émissions de 40 à 45 % d’ici 2030. Cette disparité témoigne, selon elle, d’un décalage énorme entre les efforts attendus de la part des plus grands pollueurs et du reste de la population canadienne.

Même son de cloche du côté du Réseau action climat Canada, où l’on anticipe qu’il reviendra à d’autres secteurs et d’autres travailleurs de compenser pour la flexibilité accordée à l’industrie. Il faudra en outre porter une attention particulière aux mesures prévues par Ottawa pour aider les producteurs de pétrole et de gaz à s’adapter, selon Caroline Brouillette. Ces échappatoires, dit-elle, risquent d’affaiblir la réglementation.

L’industrie pétrolière et gazière qui engrange des profits records en faisant brûler la planète n’a pas besoin de mesures de souplesse. Elle a besoin de robustesse.

Une citation deCaroline Brouillette, directrice générale du Réseau action climat Canada

Mais Caroline Brouillette est surtout préoccupée par l’échéancier prévu par le fédéral, qui repousse le plafonnement des émissions à 2026. Beaucoup trop tard, selon elle, pour concorder avec les objectifs climatiques du Canada à l’horizon 2030.

À ce chapitre, la Saskatchewan et l’Alberta font encore une fois front commun contre Ottawa. Leurs gouvernements ont en outre manifesté leur opposition au projet de réglementation pour réduire les émissions de méthane et à celui sur l’électricité propre, auxquels le fédéral doit faire suite en 2024.

Source: Radio Canada

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