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La ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, avait promis que sa taxe sur les services numériques (TSN) allait s’appliquer « à compter du 1er janvier 2024 », mais celle-ci ne sera pas prête comme prévu pour la nouvelle année.
La ministre Freeland promet depuis deux ans qu’Ottawa taxera les revenus des entreprises numériques internationales (comme Amazon, Uber, Airbnb ou Netflix) qui font des affaires ici, mais qui paient leurs impôts ailleurs.
En fait, cette taxe devait entrer en vigueur le 1er janvier 2022. Toutefois, le Canada a par la suite convenu de suspendre cette mesure durant deux ans, le temps qu’une taxe internationale soit mise en place, en collaboration avec d’autres pays, dont les États-Unis, là où se trouvent plusieurs géants du numérique.
Or, l’échéance du 1er janvier prochain ne pourra être respectée, puisque le projet de loi qui permet la mise en application de cette taxe n’a toujours pas été adopté à la Chambre des communes.
C’est inacceptable que les libéraux ne soient pas en train de livrer la marchandise sur leur propre promesse
, estime la députée néo-démocrate Niki Ashton.
Ces compagnies comme Uber, Airbnb, Amazon, font des profits immenses et elles ne sont pas en train de payer les impôts qu’il faut au Canada.
La TSN canadienne de 3 % toucherait les géants du web qui ont des recettes associées à des utilisateurs canadiens d’au moins 20 millions de dollars. Cette taxe pourrait générer des revenus de 7 milliards de dollars sur cinq ans, selon le directeur parlementaire du budget. L’idée est de s’assurer que ces géants du numérique paient leur juste part pour les profits qu’ils font en territoire canadien.
L’opposition bloquiste et néo-démocrate déplore que l’échéance de janvier 2024 que s’étaient imposée les libéraux ne soit pas respectée. Le gouvernement Trudeau assure qu’il n’a pas changé d’idée et souhaite toujours aller de l’avant avec la TSN.
Le Bloc québécois se demande pourquoi le gouvernement n’a pas agi plus rapidement, pour s’assurer notamment que la date du 1er janvier 2024 soit respectée.
C’est comme si le Canada avançait sur la pointe des pieds, pour ne pas froisser les États-Unis. Ça fait longtemps qu’on aurait dû imposer des règles fiscales à ces entreprises.
Des négociations internationales difficiles
Les États-Unis s’opposent farouchement à l’imposition d’une TSN internationale, comme le réclament le Canada et les pays de l’OCDE. La taxe envisagée par ce groupe de pays pourrait atteindre jusqu’à 15 % des profits que les géants du numérique réalisent dans chacun des pays touchés.
Des négociations sont en cours depuis deux ans et devaient se conclure en décembre 2023. Toutefois, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a indiqué qu’il restait des détails à régler avant que le traité ne soit signé
.
Cette résistance des Américains et le retard dans les négociations mettent le Canada et les autres pays de l’OCDE dans une position difficile, qui pourrait mener à des représailles commerciales de la part des États-Unis.
De nombreux pays, comme la France, l’Autriche, l’Inde, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni, ont déjà mis en place leurs propres taxes sur les services numériques.
Les Américains se sont engagés vis-à-vis de ces pays à ne pas imposer de mesures de représailles durant les négociations sur l’imposition d’une TSN internationale. Une exemption qui arrive à échéance le 31 décembre.
Des pressions américaines
Des membres de l’administration Biden, comme l’ambassadeur des États-Unis au Canada David Cohen, laissent entendre depuis des mois qu’un geste unilatéral d’Ottawa pourrait avoir des conséquences néfastes sur les relations commerciales entre les deux pays et que des mesures de représailles pourraient suivre.
Sans compter le contexte politique alors que la campagne en vue de l’élection présidentielle américaine de novembre 2024 se met en branle et que la renégociation de l’ACEUM avec les États-Unis arrive à grands pas.
Il y a une valse-hésitation au gouvernement Trudeau, parce qu’on veut éviter de marcher sur le gros orteil américain
, estime le député bloquiste Martin Champoux.
De son côté, le Nouveau Parti démocratique (NPD) croit que c’est une erreur de retarder l’entrée en vigueur de la taxe sur les services numériques.
Les Canadiens méritent l’équité en matière d’impôts
, croit la députée Niki Ashton. Selon elle, ça passe par une taxe sur les services numériques pour que les plus riches, comme ces géants du web, paient leur juste part
.
Le bureau de la ministre Chrystia Freeland se défend d’être en train de plier l’échine face aux demandes américaines. Notre position n’a pas changé
, écrit son attachée de presse, Katherine Cuplinskas.
Un accord multilatéral a toujours été la priorité et la préférence du Canada
, affirme-t-elle. Le gouvernement ira de l’avant avec sa propre taxe sur les services numériques, si un accord mondial n’était pas conclu
.
L’application de cette taxe est incluse dans le projet de loi sur la mise en œuvre du dernier énoncé économique, qui devrait être adopté plus tard en 2024.
Le projet de loi donne à la ministre Freeland la flexibilité de modifier unilatéralement les modalités de la TSN sans passer par le Parlement. Par exemple, le gouvernement pourrait désormais changer le taux de la taxe ou supprimer la rétroactivité de la TSN par décret plutôt que par la voie législative.
Réactions à Ottawa
Aux Communes, seul le Parti conservateur s’oppose à la mise en place d’une nouvelle taxe sur les services numériques. La dernière chose dont les Canadiens ont besoin est une nouvelle taxe qui mettrait en péril nos échanges avec notre principal partenaire économique
, soutient le député conservateur Kyle Seeback.
De son côté, le Bloc québécois exige que le gouvernement Trudeau s’engage clairement à utiliser les revenus engendrés par cette nouvelle TSN pour venir en aide aux entreprises québécoises et canadiennes.
L’argent prélevé doit être directement distribué aux entreprises touchées, comme celles dans le secteur du commerce au détail
, demande le député Martin Champoux.
C’est un secteur durement touché par le commerce en ligne, poursuit-il. On doit les aider à prendre le virage numérique afin que nos entreprises puissent être concurrentielles.
Source: Radio Canada