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Selon l’avis de décès publié samedi, M. Morin est « décédé paisiblement chez lui ».
Fils d’Arsène Morin, le secrétaire d’Honoré Mercier fils et descendant du patriote Augustin-Nobert Morin, Jacques-Yvan Morin était prédestiné à faire de la politique.
Avant de sauter dans l’arène, toutefois, Jacques-Yvan Morin se dirigeait vers une carrière d’intellectuel en droit. Ce natif de Québec a fait des études à l’Université de Montréal, à McGill, à Cambridge et à Harvard, ce qui l’a mené à pratiquer le droit pendant quelques années.
En 1958, à 27 ans, il entre dans le milieu académique, qu’il ne quittera jamais vraiment puisqu’il y reviendra après son passage en politique. Jusqu’en 1973, il enseigne le droit constitutionnel à l’Université de Montréal – lieu où il a fourbi ses premières armes politiques.
Au début des années 1960, un dénommé Michel Chartrand, qui est à l’époque impliqué dans le Parti socialiste, l’approche pour rédiger la première charte des droits de la personne au Québec.
Le texte de la charte, qu’il dit avoir conçu en bonne partie, l’amènera à publier un article sur le sujet dans la Revue de droit de McGill en 1963 – une revue qu’il a contribué à créer. Sa réflexion constituait le « botté d’envoi » de la Charte des droits et libertés de la personne adoptée en 1975, a écrit l’avocat Alain-Robert Nadeau dans le Journal du Barreau, à l’occasion du 25e anniversaire de la charte.
À l’émission Mémoires de députés en 2010, Jacques-Yvan Morin dit avoir été atteint par la piqûre politique lors du débat sur la formule Fulton-Favreau – une formule de modification constitutionnelle qui ne donnait pas de droit de veto au Québec dans l’éventualité d’un amendement de la Constitution canadienne.
« Cette formule, qui bloquait tout développement favorable au Québec, m’apparaissait invraisemblable en pleine Révolution tranquille alors que le Québec cherchait à obtenir plus de pouvoirs », avait-il confié en entrevue avec Le Devoir en 2014.
Et c’est la formule Fulton-Favreau qui lui permettra de rencontrer son futur patron, René Lévesque, qui était à l’époque ministre libéral. En 1964, Jacques-Yvan Morin a participé à un débat sur cette question l’opposant à nul autre que M. Lévesque et Pierre Laporte, qui était également ministre.
« J’étais impressionné, je ne vous le cache pas », a-t-il affirmé avec un large sourire à l’émission « Mémoires de député ».
Comme beaucoup de nationalistes notoires du temps, M. Morin ne se disait pas indépendantiste. Ce sont les États généraux du Canada français, qu’il a présidés de 1966 à 1969, qui lui feront changer d’idée. Il a conclu à l’époque que « sans la souveraineté », il n’y aurait pas de négociations pour accorder plus de pouvoirs au Québec.
Jacques-Yvan Morin s’est présenté pour la première fois en 1970 dans une circonscription peu propice pour le Parti québécois, celle de Bourassa. Sans surprise, il fut battu en 1970, pour gagner trois ans plus tard dans la circonscription de Sauvé.
En 1973, le Parti québécois est réduit à six députés, et c’est Jacques-Yvan Morin qui assumera le poste de chef de l’opposition à l’Assemblée nationale.
Trois ans plus tard, le Québec est replongé en campagne électorale, celle qui va mener à la victoire historique du PQ. « Pour être franc, on ne s’y attendait pas […] Nos espérances étaient plus modestes », a-t-il relaté à l’émission « Mémoires de député ».
Jacques-Yvan Morin est nommé vice-premier ministre et ministre de l’Éducation – un ministère qu’il a choisi, car René Lévesque lui avait offert l’Éducation ou la Justice.
Lors de son passage dans ce ministère, M. Morin amorce une réforme importante de l’éducation, et il contribuera à façonner la loi 101 avec son collègue Camille Laurin.
En 1980, à sa demande, Jacques-Yvan Morin passe le flambeau de l’éducation à Camille Laurin et se redirige vers le ministère du Développement culturel et scientifique – qui est responsable de l’application de la Charte de la langue française.
Après l’échec du référendum sur la souveraineté et la réélection du Parti québécois en 1981, M. Morin demeure vice-premier ministre et conserve le même ministère pendant un an, avant de passer aux Affaires intergouvernementales en 1982 – en plein rapatriement de la Constitution canadienne.
Dans cette période tumultueuse pour le gouvernement québécois – le PQ venait de perdre son référendum et la Constitution a été rapatriée sans son accord – M. Morin a tenté de faire voyager le premier ministre Lévesque pour exposer « la personnalité internationale du Québec ».
En 1984, voulant « passer à autre chose », Jacques-Yvan Morin décide de démissionner pour revenir à la vie universitaire. Il admet toutefois que certains évènements « l’ont hâté » – dont des querelles entre son ministère et celui du Commerce international, dirigé à l’époque par Bernard Landry.
« En 1984, sous la pression insistante de Landry, on sépare les Affaires intergouvernementales des relations internationales, ce qui entraînera la démission de Jacques-Yvan Morin », précisent les experts Stéphane Paquin et Annie Chaloux dans un article de la revue Globe publié en 2010.
C’est ainsi que le juriste revient à ses premières amours : l’enseignement universitaire. Il retourne à l’Université de Montréal, où il deviendra professeur émérite en 1997, avant de quitter en 2000.
Il s’impliquera ensuite au sein de l’Agence universitaire de la francophonie et du Tribunal d’appel de l’Agence intergouvernementale de la francophonie.
Si M. Morin a mis fin à sa carrière politique dans les années 1980, il prendra souvent position publiquement pour des enjeux qui lui sont chers : la souveraineté et l’éducation.
En 2011, alors que trois députés du Parti québécois ont claqué la porte du parti en contestant la direction de la chef de l’époque, Pauline Marois, un collectif d’auteurs – dont Jacques-Yvan Morin – encouragent les souverainistes à rentrer au bercail.
« Le parti le mieux positionné et organisé à prendre le pouvoir, à défendre les intérêts supérieurs du Québec et à amener celui-ci vers son indépendance, est le Parti québécois », ont-ils souligné.
En 2012, pendant l’importante grève étudiante, il signe une lettre ouverte dans le quotidien Le Devoir pour dénoncer l’augmentation des frais de scolarité.
« Dans l’état actuel de l’économie québécoise, une démarche constructive appellerait plutôt le gel des droits de scolarité. Les besoins de notre société en matière de formation ne sont guère moindres qu’au moment de la Révolution tranquille. Il faut donc songer également à améliorer le système des prêts-bourses », avait-il écrit.
« Au cours des années où j’y ai exercé les fonctions de ministre, le gouvernement de René Lévesque a augmenté les prêts-bourses de 50 %. Ce sont des mesures de cet ordre qui permettraient la continuation de la Révolution tranquille, dont la jeunesse québécoise aurait grand besoin par les temps qui courent », avait-il poursuivi.
En 2015, il s’était aussi impliqué dans la campagne fédérale qui mènera au couronnement des libéraux de Justin Trudeau en encourageant les Québécois à voter pour le Bloc québécois dans une lettre signée par plusieurs souverainistes de longue date, dont Jacques Lanctôt et Gérald Larose.
Auteur de nombreux livres sur le droit, la politique et l’éducation, Jacques Yvan Morin a reçu plusieurs récompenses pendant sa vie. En 2000, il a reçu le prix Droits et libertés de la Commission des droits de la personne du Québec et un an plus tard, il est consacré Grand officier de l’Ordre du Québec par le premier ministre péquiste Bernard Landry.
« Votre carrière se déroule sur deux plans d’excellence : celui du professeur éminent de droit international et constitutionnel et celui de grand serviteur du Québec », avait déclaré le premier ministre Landry en lui remettant la plus haute distinction de l’Ordre du Québec.
En 2014, il a aussi reçu le prix portant le nom de son ancien collègue, Jacques Parizeau, qui est remis par les Intellectuels pour la souveraineté. À cette occasion, il avait tenu à répéter que l’idée de la souveraineté « n’était pas en train de s’éteindre ».
« Le Parti québécois ne peut continuer de faire plaisir à tout le monde en prônant le bon gouvernement d’une part et, d’autre part, en défendant la souveraineté. Il doit d’abord définir son objectif qui se doit d’être l’indépendance du Québec, et ensuite trouver les moyens d’y arriver », avait-il confié au quotidien Le Devoir.
Les funérailles de Jacques-Yvan Morin seront célébrées le mercredi 30 août, à midi, en l’église Saint-Viateur d’Outremont.
Il laisse dans le deuil son épouse Élisabeth Gallat, son fils Étienne, dix petits-enfants et six arrière-petits-enfants, ainsi que sa sœur Nicole Morin (feu Jacques Robichaud).
Source: La presse