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Un nouveau Conseil des ministres sera annoncé aujourd’hui. Deux politologues décortiquent les raisons derrière ce rebrassage au sein du gouvernement de Justin Trudeau. Plusieurs ministres fédéraux devront être écartés du prochain Cabinet, d’autres changeront de fonctions et de nouveaux visages sont attendus.
Selon les informations de Radio-Canada et de CBC, David Lametti (ministre de la Justice et procureur général), Marco Mendicino (ministre de la Sécurité publique), Mona Fortier (présidente du Conseil du Trésor), Joyce Murray (Pêches, Océans et Garde côtière canadienne), Helena Jaczek (Services publics et Approvisionnements), Carolyn Bennett (Santé mentale et Dépendances), Ahmed Hussen (Habitation) et Omar Alghabra (Transports) devront quitter leurs postes.
L’actuelle ministre de la Défense, Anita Anand, restera au Cabinet, mais elle se verra confier des responsabilités à caractère économique.
La vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland, ainsi que la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault et le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie François-Philippe Champagne ne devraient pas perdre leurs fonctions.
Le sort de Dominic LeBlanc (ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités), de Ginette Petitpas Taylor (ministre des Langues officielles et ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique) et d’Harjit Sajjan (ministre du Développement international et ministre responsable de l’Agence de développement économique du Pacifique Canada) demeure inconnu. Ces trois ministres font partie toutefois des ministres convoqués lundi par le premier ministre Trudeau à Ottawa pour des rencontres qualifiées de privées
dans son itinéraire public.
Les prochaines élections fédérales doivent normalement avoir lieu à l’automne 2025, mais plusieurs analystes politiques affirment qu’un scrutin anticipé pourrait être déclenché dès l’an prochain.
Pour le politologue et directeur de l’institut d’études canadiennes de l’Université McGill, Daniel Béland, ce remaniement est une manière pour les libéraux de préparer leur équipe électorale
.
Les libéraux veulent vraiment renouveler leur équipe en vue du prochain scrutin en se débarrassant de certains ministres, en en déplaçant d’autres et en amenant de nouveaux visages au Cabinet. On veut des gens qui vont pouvoir se battre lors des élections fédérales pour essayer de conserver le pouvoir.
Même constat du côté d’André Lamoureux, chargé de cours au Département de sciences politiques de l’Université du Québec à Montréal. Selon lui, ce remaniement est une stratégie
préélectorale visant à renforcer l’image publique des libéraux et montrer un front uni
.
Depuis un an, les crises se succèdent pour le gouvernement Trudeau : il y a d’abord eu le convoi des camionneurs à Ottawa en janvier 2022, suivi des retards dans la délivrance des passeports et le chaos dans les aéroports, ainsi que la controverse entourant les contrats octroyés au cabinet-conseil américain McKinsey, le passage de migrants clandestins via le chemin Roxham, et, dernièrement, l’épineuse question de l’ingérence de la Chine dans les affaires politiques canadiennes. Le tout est chapeauté par les crises de pénurie de main-d’oeuvre et de logement, ainsi que par une flambée inflationniste.
Selon M. Béland, ce remaniement sera beaucoup plus qu’un simple jeu de chaises musicales
. On s’attend à un remaniement assez important, dit-il dans un entretien téléphonique à Radio-Canada. [Les libéraux] essaient de placer des personnalités plus fortes dans des ministères devenus vulnérables, comme le logement, la sécurité publique, les transports.
Ils veulent tourner la page
, ajoute-t-il.
Pour sa part, M. Lamoureux estime que face aux crises en série qui ont secoué son gouvernement, M. Trudeau n’a pas intérêt à trop attendre pour déclencher de nouvelles élections
.
Il y a beaucoup d’insatisfactions à l’endroit du gouvernement […] Les libéraux doivent redresser l’épine dorsale dans un contexte où ils sont de plus en plus menacés par le Parti conservateur du Canada qui avance dans les sondages.
Selon les informations de Radio-Canada, ce remaniement aura pour thématiques principales l’économie, le logement et la création d’emplois. L’opération a pour objectif de renforcer l’équipe économique autour du premier ministre Justin Trudeau. La stratégie du gouvernement libéral est de mettre les bonnes personnes et les bons porte-parole
aux bons endroits en prévision de la prochaine campagne électorale.
Mais M. Lamoureux a un doute
sur le virage économique
du gouvernement Trudeau, rappelant que dans son dernier budget, le ministère des Finances a abandonné son objectif de revenir à l’équilibre budgétaire en 2027-2028, prévoyant plutôt un déficit de 14 milliards cette année-là.
Un remaniement, selon lui, n’aidera pas nécessairement Justin Trudeau à remonter la pente, qui est immense
. La crédibilité du gouvernement a quand même pris un coup dur […] mais cela ne veut pas dire que M. Trudeau va nécessairement perdre le pouvoir face [au chef de l’opposition officielle] Pierre Poilievre
en cas d’élections anticipées, précise-t-il.
Ce rebrassage ministériel ne devrait pas aider les libéraux dans les sondages à court terme
, explique de son côté M. Béland. Mais s’ils se débarrassent des patates chaudes, comme on dit, et s’ils améliorent leurs communications et la gestion de certains dossiers, cela pourrait les aider à moyen terme.
Il souligne enfin que tout remaniement ministériel représente un véritable casse-tête
puisqu’il faut tenir compte de différents enjeux, dont une représentation équilibrée entre les provinces au sein du gouvernement, ainsi que la parité hommes-femmes et, enfin, la question de la diversité ethnoculturelle
. C’est un véritable jeu d’équilibriste qui n’est pas du tout facile
, conclut-il.
Source: Radio Canada