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Un incendie de forêt n’est pas un feu comme un autre. Quand le brasier est à son maximum, les pompiers ne cherchent pas à l’éteindre, mais à ralentir sa progression et, parfois, à lui faire prendre un autre chemin.
Lorsqu’une maison brûle, les pompiers arrosent le bâtiment en flammes pour combattre l’incendie, et non les résidences des voisins. C’est tout le contraire en forêt, où la meilleure stratégie ne consiste pas à éteindre le feu, mais plutôt à lui couper les vivres afin qu’il finisse éventuellement par s’éteindre.
L’objectif n’est pas tant d’éteindre le feu comme tel, mais plutôt de freiner sa progression, explique Évelyne Thiffault, ingénieure forestière et professeure au département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval. « C’est très différent de ce qu’un pompier ordinaire fait en temps normal », illustre-t-elle.
« Mettre des yeux sur les feux »
Condition sine qua non pour lutter contre un incendie de forêt : déployer des équipes dans les airs non pas pour combattre le feu, mais pour suivre sa progression dans les moindres détails. Leur mission ? Alimenter les équipes chargées de livrer bataille contre le feu d’un maximum d’informations.
C’est le travail entre autres de Jonathan Boucher, chercheur de Ressources naturelles Canada prêté à la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) pour aider les équipes qui combattent actuellement de nombreux incendies au Québec.
L’objectif est de mettre des yeux sur les feux », explique M. Boucher en entrevue téléphonique avec La Presse, au cours d’une rare pause, samedi, entre deux vols de surveillance.
Nous sommes là pour évaluer le comportement des incendies. En hélicoptère ou en avion, on recueille le plus de données pour informer les opérations.
Jonathan Boucher, chercheur de Ressources naturelles Canada
Chaque matin, Jonathan Boucher étudie les cartes et les images satellites. Il s’envole ensuite pour aller valider les informations sur le terrain. Des informations qui sont cruciales pour permettre aux opérations d’effectuer leur travail. « Des feux qui parcourent une distance de 20 km en une journée, on en voit présentement », dit-il.
Stratégies multiples
La direction des vents, leur vitesse, la topographie de la zone touchée, le type de végétation et l’intensité du feu sont autant de facteurs qui doivent être pris en considération quand vient le moment de combattre un incendie de forêt. Il faut savoir également qu’il n’existe pas une seule méthode pour combattre un incendie, mais bien plusieurs techniques. « Mais tous les moyens de combat ont des limites opérationnelles et d’efficacité », prévient M. Boucher.
Quand on pense à des incendies de forêt, on pense évidemment aux avions-citernes qui parcourent le ciel en relâchant d’importantes quantités d’eau sur le brasier. Mais à moins de pluies diluviennes, l’eau ne suffit généralement pas pour éteindre de tels incendies.
On ne peut pas attaquer directement les feux quand leur intensité est très élevée. On les attaque alors sur les flancs.
Jonathan Boucher, chercheur de Ressources naturelles Canada
L’objectif est de diminuer l’intensité du feu sur ses pourtours. Une telle stratégie peut aussi à aider à diriger le feu, ajoute Jonathan Boucher.
Comme le Québec est un territoire avec beaucoup de plans d’eau, nous nous en servons pour combattre les incendies », souligne Évelyne Thiffault. La province est reconnue notamment pour l’utilisation d’avions-citernes pour combattre les incendies : « Nous sommes les meilleurs spécialistes dans cette technique-là », précise l’ingénieure forestière.
Pour compléter la stratégie de l’eau, des équipes vont sur le terrain, quand le feu est moins intense, afin d’éteindre le plus de foyers d’incendie possible. On aménage aussi des zones coupe-feu « pour briser la continuité du feu », précise Jonathan Boucher.
À Chibougamau, par exemple, les autorités ont fait creuser des tranchées pour protéger certains secteurs de la municipalité. Des tranchées qui n’en sont pas vraiment, cependant, puisque l’idée est de retirer toute végétation pour empêcher la progression de l’incendie. Une telle tranchée a été aménagée près de Saint-Lambert, au sud de Normétal, en Abitibi. Celle-ci fait quelques dizaines de mètres de large sur plusieurs kilomètres de long près de la municipalité.
Combattre le feu par le feu
Une autre stratégie consiste à combattre le feu par le feu. Moins populaire au Québec, cette technique est couramment utilisée en France, en Espagne et aux États-Unis. Mais si les conditions s’y prêtent, les pompiers québécois y ont parfois recours, souligne Évelyne Thiffault. La SOPFEU confirme d’ailleurs que ses équipes ont présentement recours à cette technique sur le terrain.
« L’objectif est de réduire la quantité de combustible avant que le feu arrive », explique Jonathan Boucher. Par exemple, à partir d’un chemin, on va déclencher un feu pour brûler les arbres et la végétation en direction de l’incendie. « À son arrivée, le feu va perdre son intensité ou peut-être même s’éteindre », précise le chercheur.
Mais il faut des conditions bien particulières pour combattre le feu par le feu. Surtout, on ne veut pas déclencher un incendie dont on perdrait la maîtrise. « Le type de végétation doit aussi être pris en considération », fait remarquer M. Boucher.
Mais face à un incendie de forêt, toutes les techniques possibles peuvent parfois être vaines si dame Nature met en place les pires conditions pour favoriser un incendie. Elle peut devenir cependant une alliée de choix si la pluie se met de la partie.
Source: La presse