Une enquête publique demeure « essentielle », dit l’ancien patron d’Élections Canada

26 mai 2023
Une enquête publique demeure « essentielle », dit l’ancien patron d’Élections Canada

Assahafa.com

Dans une entrevue accordée à La Presse, M. Kingsley estime que le rapporteur spécial indépendant David Johnston, qui a rejeté l’option d’une enquête publique dans son rapport, n’a pas examiné en profondeur un aspect essentiel : l’intégrité des élections fédérales. Durant ses travaux, M. Johnston n’a d’ailleurs pas rencontré les dirigeants d’Élections Canada ou les personnes « du monde électoral » – une lacune importante, selon lui.

« Je demeure convaincu qu’une enquête publique est essentielle », affirme au bout du fil M. Kingsley. « Les gens pourront tourner autour du pot tant qu’ils le voudront. Rien d’autre ne va réussir à rassurer le peuple canadien. Quand on entache le système électoral, il faut tirer les choses au clair et on avise le peuple canadien. »

Après avoir épluché de nombreux documents secrets et après avoir rencontré des dirigeants des agences de sécurité et des élus, M. Johnston a conclu dans son rapport qu’une enquête publique ne serait pas un exercice utile au motif qu’une bonne partie des travaux devraient se dérouler à huis clos. Selon lui, les renseignements qu’il a examinés sont secrets et doivent impérativement rester secrets pour des raisons de sécurité nationale.

M. Johnston s’est penché sur l’ingérence étrangère à la demande du premier ministre Justin Trudeau après la publication de nombreux reportages dans les médias mettant en relief les activités de la Chine durant les élections fédérales de 2019 et 2021. Entre autres choses, le Globe and Mail a rapporté que la Chine a employé une stratégie sophistiquée durant le scrutin de 2021 afin d’assurer l’élection d’un gouvernement libéral minoritaire et la défaite de candidats conservateurs jugés hostiles au régime de Pékin.

Une enquête publique distincte n’offrira tout simplement pas le niveau de transparence et d’urgence attendu par les Canadiens et les Canadiennes », a notamment argué M. Johnston en rendant public son rapport.

Question électorale

Mais Jean-Pierre Kingsley, qui a dirigé les destinées d’Élections Canada pendant 17 ans, soit de 1990 à 2007, est d’un tout autre avis.

« M. Johnston ne traite pas de la question électorale dans son rapport. Mais c’est là que repose l’essentiel de la question », dit l’ancien grand patron d’Élections Canada.

Il y a eu une attaque directe par la Chine – et ce n’est pas un secret – sur l’intégrité de notre système électoral. C’est à cet égard que le rapport est défaillant, à mon avis.

Jean-Pierre Kingsley, ancien directeur général d’Élections Canada

Résultat : une enquête publique menée par un juge ayant une expertise en sécurité nationale est la seule option qui s’offre aux parlementaires pour maintenir la confiance des Canadiens envers leurs institutions.

Selon M. Kingsley, plusieurs questions pourraient être abordées lors d’une enquête publique. « Il faudrait savoir qui est intervenu, comment cela s’est fait, à quoi ça ressemble, cette ingérence. Si on peut établir ces choses-là, qui a contribué à cela et qui en a bénéficié ? Est-ce qu’il y a des Canadiens ou est-ce que ce sont des gens à l’extérieur du pays ? Il faut aussi savoir comment cela a été financé. Cela ne se fait pas tout seul. Il y a sûrement aussi de l’argent qui a été échangé », a-t-il fait valoir.

Une élection est le seul processus dont l’objectif principal est d’assurer la légitimité de la gouvernance. Si une élection n’est pas bien dirigée, on peut dire que l’exercice est fautif. Donc, ceux qui gouvernent en notre nom le font sans la légitimité qui est l’essentiel du propos de l’élection », a-t-il aussi dit.

Faire la lumière « en public »

M. Kingsley a donné l’exemple de l’élection très serrée de la candidate du NPD Olivia Chow en 2006 dans Trinity-Spadina. Le jour du scrutin, quelque 10 000 électeurs de cette circonscription se sont inscrits. Des députés des autres partis lui ont posé des questions pointues à ce sujet. Pour tirer les choses au clair, il a fait appel à une firme juricomptable pour déterminer si ces 10 000 électeurs avaient bel et bien le droit de vote.

« Cet exercice a coûté cher : 500 000 $. Mais la firme a validé tous les électeurs sauf cinq ou six personnes dont on n’a pu retrouver la trace. J’ai tenu à ce qu’on aille jusqu’au bout de cet exercice. J’ai écrit le rapport et je l’ai déposé devant le comité de la procédure et je n’ai entendu aucun commentaire. Ce que je veux dire, c’est quand il y a des allégations à propos de notre système électoral, on doit faire toute la lumière et le faire en public. Autrement, on perd la crédibilité du système qui procure une légitimité aux gens qui sont élus. »

En entrevue, M. Kingsley tient à affirmer qu’il ne met aucunement en doute l’intégrité de l’ancien gouverneur général, qui a été vertement critiqué par les partis de l’opposition en raison des liens qu’il a eus avec la famille Trudeau et la Fondation Trudeau.

Rien de ce que je dis ne vise à entacher la réputation de M. Johnston. Son intégrité à mon sens demeure entière et totale. Mais cela n’empêche pas dans notre société d’avoir deux personnes qui ont une divergence d’opinions. Et j’en ai une avec M. Johnston », a affirmé M. Kingsley.

Source: La presse

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