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Le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, s’est dit « très troublé » par les allégations d’ingérence chinoise dans les élections municipales de Vancouver, l’année dernière, et a exigé une réunion d’information à l’agence de renseignement du Canada.
M. Eby a assuré que les Canadiens ont droit à une « enquête approfondie et indépendante » sur les allégations rapportées dans le journal Globe and Mail, cette semaine, selon lesquelles le consulat de Chine à Vancouver s’est ingéré dans les élections municipales en utilisant des groupes communautaires de la diaspora et en préparant certains candidats.
Le premier ministre soutient qu’il a demandé un « exposé complet » du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), mais qu’il ne l’a pas encore reçu.
Le texte du journal cite des documents du SCRS, mais M. Eby a déclaré qu’il n’était pas en mesure de commenter leur crédibilité.
L’article a incité jeudi le maire de Vancouver, Ken Sim, à souligner qu’il était dégoûté par ses « insinuations », et qu’il ne serait pas ciblé par ces allégations s’il était blanc.
David Eby a précisé que la majorité des outils pour lutter contre l’ingérence internationale se trouvaient entre les mains du gouvernement fédéral, mais qu’il voulait savoir si la Colombie-Britannique pouvait « combler les lacunes » par quelconque moyen à sa disposition. Il a ajouté qu’Elections BC avait déjà présenté des recommandations pour lutter contre la désinformation.
« Nous cherchons toujours des moyens de nous assurer que nos élections sont libres et équitables », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Prince Rupert.
L’article de presse de cette semaine indiquait que les documents du SCRS ne nommaient pas les candidats favoris du consulat à la mairie et au conseil, mais qu’il voulait que Kennedy Stewart perde.
Ken Sim, le premier maire canadien d’origine chinoise de Vancouver, a battu M. Stewart par plus de 36 000 voix.
Le consulat chinois irrité
Le consulat chinois à Vancouver a publié, jeudi soir, un communiqué exprimant son « fort mécontentement » envers les médias et les politiciens canadiens pour avoir « diffamé et discrédité » la mission diplomatique et son personnel.
Il a qualifié les allégations d’ingérence de « tout à fait sans fondement » et a déclaré que le Canada et les États-Unis s’étaient plutôt ingérés dans les affaires intérieures de la Chine.
« Même certains responsables municipaux canadiens sapent le territoire et l’intégrité souveraine de la Chine par le biais des questions de Taïwan et de Hong Kong », indiquait le communiqué publié sur le site web du consulat.
Le premier ministre Justin Trudeau a dénoncé l’impact des allégations sur Ken Sim, affirmant que « de petits morceaux d’informations non corroborées et non vérifiées » avaient été amplifiés.
M. Trudeau a déclaré vendredi que même si les menaces d’ingérence étrangère devaient être prises au sérieux, les Canadiens devaient également être « très, très prudents » face à un tel discours, qui pourrait saper les fondements des institutions démocratiques.
« L’impact sur les individus qui choisissent d’aller de l’avant et de servir leurs communautés, comme Ken Sim – attaqué par des allégations incomplètes et auxquelles il ne peut pas vraiment répondre – est en quelque sorte une mise en évidence de la délicatesse de ces problèmes et de la façon dont ils doivent être traités avec sérieux », a-t-il déclaré à Guelph, en Ontario.
« Perte de confiance » en Trudeau
En visite à Vancouver, le chef de l’opposition, Pierre Poilievre, a déclaré vendredi que le dernier rapport indiquait une perte de confiance de la communauté canadienne du renseignement en Trudeau et en sa capacité à faire face à une éventuelle ingérence étrangère.
« Il y a une révolte ouverte contre le premier ministre, a-t-il souligné à propos des fuites du SCRS. Je pense que notre communauté du renseignement est très inquiète de ce que le premier ministre dissimule et garde secret. Il fait passer son propre intérêt partisan avant notre intérêt national ».
M. Poilievre a également déclaré que l’exclusion du Canada d’alliances telles que le dialogue quadrilatéral sur la sécurité entre l’Australie, l’Inde, le Japon et les États-Unis, indiquait que Justin Trudeau avait également perdu la confiance de ses alliés traditionnels.
Margaret McCuaig-Johnston, chercheuse principale à l’Institut des sciences, de la société et de la politique de l’Université d’Ottawa, a expliqué qu’il existait plusieurs raisons pour lesquelles un gouvernement étranger pourrait vouloir influencer la politique municipale.
Mme McCuaig-Johnston, une critique virulente de Pékin, a déclaré que même si les gouvernements municipaux ne dictaient pas la politique étrangère, ils étaient essentiels à la création de relations officielles entre villes sœurs.
Ces accords de villes sœurs impliquent souvent des programmes qui facilitent les liens culturels et commerciaux entre les villes, ce qui conduirait ensuite à d’éventuelles « relations commerciales et commerciales préférentielles ». Il y a aussi la possibilité de gagner les faveurs d’un politicien municipal, qui passera ensuite à d’autres niveaux de gouvernement, a ajouté Mme McCuaig-Johnston.
Hugh Stephens, membre éminent de la Fondation Asie-Pacifique, a déclaré que les responsables chinois auraient pu s’intéresser à l’élection de Vancouver parce que Kennedy Stewart envisageait un « pacte d’amitié » avec la ville taïwanaise de Kaohsiung en 2021.
Les diplomates chinois sont « sensibles à tout niveau de gouvernement qui pourrait s’engager avec Taïwan », a déclaré M. Stephens, ajoutant que Pékin considère l’île autonome comme une « province renégat ».
Il a indiqué que les allégations d’ingérence étrangère pouvaient créer un discours « extrêmement injuste » pour les candidats retenus et non retenus, bien que les gagnants portent le poids de la suspicion.
« Cela sape leur crédibilité, même s’ils n’ont rien à voir avec les activités du consulat, et l’ingérence du consulat n’a rien changé au résultat », a-t-il soutenu.
Source: La presse