Des tentatives permanentes d’influencer le vote au Canada

1 mars 2023
Des tentatives permanentes d’influencer le vote au Canada

Assahafa.com

La Chine a tenté de cibler des élus pour promouvoir ses intérêts aux dernières élections, s’est inquiété le SCRS, confirme-t-on dans un rapport sur la campagne électorale de 2021. Or, ces tactiques ne sont pas employées seulement en période électorale, mais bien en permanence, prévient-on dans le document rendu public mardi.

Dans un premier temps, comme l’a souvent assuré le premier ministre Justin Trudeau, on n’a pas détecté en 2021 d’ingérence étrangère « menaçant la capacité du Canada de tenir des élections libres et justes », est-il réitéré dans ce rapport, où l’on fait mention de la Chine huit fois.

En revanche, on y note que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) « s’est dit préoccupé par le fait que la Chine a notamment tenté de cibler des élus pour promouvoir ses intérêts nationaux et a encouragé des personnes à agir comme mandataires pour la Chine ».

L’agence de renseignement affirme aussi que le régime de Xi Jinping « utilise de nombreuses techniques, y compris des menaces à l’encontre de la communauté chinoise au Canada », mais que « l’utilisation de mandataires fait en sorte qu’il est difficile de savoir si la Chine est derrière ces tentatives ».

Dans les premières pages de l’analyse, on mentionne une publication du Global Times, porte-voix de Pékin, critiquant la plateforme électorale conservatrice, et un article du journal sino-canadien Today Commercial News, défavorable à un projet de loi déposé par le député sortant conservateur Kenny Chiu.

Celui-ci a été défait aux élections de 2021.

Le gouvernement chinois ne déploie toutefois pas son arsenal uniquement lorsque les hostilités électorales sont déclenchées au Canada, est-il précisé dans le document de 59 pages, qui montre aussi du doigt l’Iran et la Russie pour leur cyberingérence.

« Plusieurs des activités attribuées à la Chine, comme le fait de cibler des élus pour promouvoir les intérêts de l’État chinois ou d’encourager des personnes à agir comme mandataires et de menacer des membres de la communauté chinoise au Canada, ne se déroulent pas seulement pendant les campagnes électorales », lit-on.

« Elles ne se limitent pas non plus à tenter d’influencer les résultats des élections. Pour contrer cette ingérence, il faut des stratégies qui fonctionnent en permanence », est-il aussi indiqué dans ce rapport, dont certains passages sont caviardés.

Ingérence intérieure

Les menaces au processus démocratique sont aussi venues de l’intérieur, signale-t-on : « Un facteur nouveau a été la menace croissante de violence pendant la campagne électorale. Cette menace s’expliquait en partie par l’opposition aux restrictions liées à la COVID-19. »

Des « informations erronées » ont circulé « sur les exigences en matière de vaccination et d’autres mesures de santé publique, la plupart étant diffusées par des acteurs nationaux », est-il souligné dans le rapport, où l’on recommande qu’en vue du prochain scrutin, la sécurité des chefs de parti soit réévaluée.

Quand alerter le public ?

Le mandat des hauts fonctionnaires était de faire une évaluation de l’efficacité du Protocole public en cas d’incident électoral majeur, administré par un groupe mis sur pied en amont du scrutin national de 2019 afin de surveiller les menaces à l’intégrité des élections.

Même si, en 2021, « les organismes de sécurité nationale ont constaté des tentatives d’ingérence étrangère », rien n’a été communiqué à la population, puisque ces actions n’atteignaient pas « les critères selon lesquels l’intégrité de l’élection était compromise », indique-t-on dans le document.

« Cela mène à la question de savoir si le Protocole devrait envisager la possibilité d’une annonce publique pour les incidents d’ingérence de moindre ampleur qui ne remplissent pas les critères élevés », note l’auteur du rapport.

Doutes sur la crédibilité du rapport

Avant même que le document ne soit divulgué, les doutes sur sa crédibilité fusaient. Car son auteur, Morris Rosenberg, a facilité à titre de directeur général de la Fondation Pierre Elliott Trudeau l’octroi d’un don de 200 000 $ fait par un richissime homme d’affaires chinois à l’organisme de bienfaisance.

Le rapport sur l’ingérence électorale rédigé par l’ancien PDG de la Fondation Trudeau n’est pas crédible », dénonçait déjà lundi le Parti conservateur. L’analyse n’a pas changé à l’aune de sa publication, a soutenu le député Michael Cooper dans une déclaration transmise mardi par sa formation politique.

Au bureau de Justin Trudeau, on insiste sur le fait qu’« après son élection en tant que chef du Parti libéral du Canada, le premier ministre s’est retiré des affaires de la fondation pour la durée de son engagement en politique fédérale ».

N’empêche, le « risque de complaisance » de quelqu’un dont « l’analyse, dans une certaine mesure, met en cause le premier ministre » mérite que l’on se pose des questions, a fait valoir le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, peu avant la publication du rapport.

« Le recul, la neutralité, l’indépendance, et par rapport à la Chine, et par rapport au premier ministre, ne sont clairement pas adéquats », a-t-il avancé.

Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique (NPD) exigent une enquête publique sur l’ingérence chinoise.

La survie de l’entente de soutien et de confiance entre le Parti libéral et le NPD en dépend-elle ? À l’autre bout du fil, le néo-démocrate Peter Julian laisse entendre que non : « On va utiliser nos outils parlementaires pour les aligner dans cette direction. Je pense que le gouvernement va être obligé de le faire. »

« Une position intenable »

Ancien ambassadeur du Canada en Chine, Guy Saint-Jacques est bien placé pour connaître les stratagèmes de Pékin.

« Leur approche est beaucoup plus systématique, et mieux financée aussi, parce que le président Xi Jinping a beaucoup augmenté le budget du Front uni [un organe du Parti communiste chinois chargé d’assurer le rayonnement et l’influence de la Chine à l’étranger] », a-t-il commenté.

Celui qui a été chef de mission de 2012 à 2016 est du même avis que certains spécialistes, dont l’ex-chef du SCRS Richard Fadden et l’ancien directeur général des élections Jean-Pierre Kingsley : une enquête publique s’impose.

« Ce qui me surprend le plus, c’est l’attitude de M. Trudeau. Il a une position qui devient de plus en plus intenable, et je pense que la seule façon de tirer ça au clair, c’est de déclencher une enquête indépendante et transparente », a-t-il laissé tomber.

Au Parti conservateur, on veut faire progresser l’enquête au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes.

Celui-ci se réunit ce mercredi.

Source: La presse

Derniers articles
Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d'analyse.
j'accepte!