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Le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre s’est livré à une campagne de harcèlement « totalement inacceptable » à l’endroit du député Alain Rayes en invitant les membres du parti à inonder son bureau de circonscription d’appels pour le forcer à démissionner, estime la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly.
Si les députés conservateurs du Québec ont préféré ne pas commenter l’affaire, mardi, la ministre Joly n’a pas hésité mercredi à condamner sans ménagement la tactique utilisée à l’endroit de M. Rayes.
Quelques minutes avant que les députés ne se réunissent à la Chambre des communes pour rendre hommage à la reine Élisabeth II, décédée la semaine dernière, la cheffe de la diplomatie canadienne s’est insurgée contre le comportement du nouveau chef conservateur.
« C’est complètement inacceptable. Ce que Poilievre a fait, c’est d’inciter à faire du harcèlement. C’est un manque de respect envers ses commettants et envers la démocratie. Mais cela démontre aussi un manque de jugement », a lancé la ministre.
« Je ne peux pas croire que le nouveau chef de l’opposition décide d’harceler un de ses anciens collègues. C’est grave. Nous venons ici à la Chambre des communes défendre les intérêts de nos concitoyens. Nous sommes là pour les représenter. On sait qu’au Canada on a une forte démocratie. Mais il faut la protéger », a-t-elle ajouté du même souffle, visiblement outrée.
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a aussi dénoncé le traitement accordé à M. Rayes à la suite de sa décision de quitter les rangs du Parti conservateur.
« C’est un dur moment pour la démocratie quand, le même jour, on encense la monarchie et on envoie des textos d’intimidation. […] J’étais déçu parce que je m’attends à mieux du chef de l’opposition officielle. C’est un comportement un peu intense, basé sur rien de rationnel. Ça a l’air d’un coup de colère. Ça ne peut pas marcher comme cela. Je m’attendais à ce que M. Poilievre soit intense, mais il a franchi une ligne à laquelle je ne m’attendais pas », a dit M. Blanchet.
Il a ajouté que M. Rayes « est l’un des députés les plus efficaces du Parti conservateur à l’époque où il y était heureux ».
Mercredi, de proches collaborateurs de M. Poilievre ont envoyé un texto sur l’heure du midi aux membres du parti dans la circonscription de Richmond-Arthabaska les invitant à faire pression sur M. Rayes pour qu’il démissionne de son poste de député indépendant.
« ALERTE : Votre député Alain Rayes vient de quitter le Parti conservateur. Il a décidé de ne pas combattre l’inflation de Trudeau avec l’équipe unie de Pierre Poilievre. Alain, appelez à son bureau dès maintenant et dites-lui de démissionner de son poste de député », lit-on dans le texto. Le texto comprenait le numéro de téléphone du bureau de circonscription de M. Rayes.
« C’est dégueulasse », s’est exclamé au bout du fil Alain Rayes, joint par La Presse après avoir reçu le texto.
« C’est tout simplement incroyable. Je n’en reviens pas. Pierre Poilievre vient de confirmer encore une fois que j’ai pris la bonne décision en quittant le parti. Je veux plus de politique comme cela. Je n’en reviens tout simplement pas de ce qu’ils sont en train de faire. J’invite mes confrères du Québec à se tenir debout et à dénoncer ce type de chose-là », a déclaré M. Rayes.
Le bureau de M. Poilievre n’a voulu commenter. Les anciens collègues conservateurs du Québec de M. Rayes n’ont pas voulu s’exprimer publiquement non plus. Mais l’affaire a pris une telle proportion que le Parti conservateur a été contraint de publier un gazouillis tard mardi soir dans lequel il présentait ses excuses aux membres du parti ayant reçu le texto.
« Le Parti conservateur du Canada s’excuse pour un message texte automatisé envoyé plus tôt aujourd’hui aux membres du parti dans la circonscription de Richmond-Arthabaska », pouvait-on lire dans le texto.
« Il était approprié de présenter de telles excuses », a lancé l’ancien chef conservateur Erin O’Toole. « C’est le temps de nous unir. Notre chef a obtenu un mandat fort. Il faut servir les Canadiens. Alain Rayes est un bon ami. Il faut travailler ensemble », a-t-il dit.
Le lieutenant politique de M. Poilievre au Québec, Pierre Paul-Hus, s’est dit satisfait de voir que le parti a présenté des excuses, reconnaissant que l’envoi de de ce message texto était inapproprié. « Le parti a présenté ses excuses. On tourne la page. C’était une erreur qui a été reconnue par le parti. Maintenant, on souhaite bonne continuité à M. Rayes comme député indépendant. […] Cela n’aurait pas dû être fait ».
« Tout cela est décevant. Le parti a présenté des excuses et c’était la bonne chose à faire », a pour sa part déclaré le député conservateur Scott Aitchison, qui était candidat dans la course à la direction du parti et qui a terminé quatrième.
Source: La presse