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L’animateur de radio et ancien ministre péquiste Bernard Drainville fait un retour en politique et portera les couleurs de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans Lévis aux élections générales.
La station montréalaise de Cogeco, 98,5 FM, a annoncé la démission de son animateur vendredi matin.
Bernard Drainville a été député du Parti québécois de 2007 à 2016. Il a été ministre sous le gouvernement Marois de 2012 à 2014, portant entre autres le dossier de la Charte des valeurs.
Il s’était porté candidat à la succession de Pauline Marois comme chef du Parti québécois, mais il avait jeté l’éponge en pleine course pour appuyer Pierre Karl Péladeau.
Résidant à Saint-Augustin-de-Desmaures dans la région de Québec, Bernard Drainville se présentera dans Lévis. Le député caquiste de cette circonscription, François Paradis, président de l’Assemblée nationale, a annoncé vendredi par communiqué qu’il ne sollicitera pas un troisième mandat et quittera la vie politique à la fin de son mandat.
En 2018, l’ancien animateur télé l’avait emporté avec 57 % des suffrages et une forte majorité de 14 500 voix.
La rumeur d’un saut à la CAQ pour Bernard Drainville circule sur la colline parlementaire depuis longtemps. Le principal intéressé disait qu’il n’en avait pas l’intention. Son fils aîné, Lambert Drainville, est devenu récemment attaché de presse du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant.
Avant la période des questions à l’Assemblée nationale, François Legault a esquivé les questions au sujet de la candidature de Bernard Drainville, se contentant de saluer la contribution de M. Paradis. « Moi, je veux qu’on parle de François Paradis et pour ce qui est des prochains candidats, on en parlera en temps et lieu », a-t-il dit avant de se précipiter vers le Salon bleu.
Le ministre Éric Caire a contourné les journalistes et s’est empressé de rejoindre M. Legault dans le corridor pour lui faire un message. « Chef, ça, c’est la meilleure tranche de steak au monde ! Tous les journalistes sont là-dessus ! » a-t-il lancé à voix basse mais assez clairement pour que La Presse entende ses propos dans le corridor. Il faisait évidemment allusion à la candidature de Bernard Drainville.
Le Parti québécois n’est pas surpris de la décision de M. Drainville. « La seule question qu’il restait, c’est quand allait-il l’annoncer », a lancé le député péquiste Pascal Bérubé.
Il a remis en question l’intégrité de l’animateur de radio. « Depuis quand sait-il qu’il sera candidat de la CAQ ? Quand a-t-il commencé à négocier ? Il n’a pas pris sa décision hier », a-t-il lancé, reconnaissant que les mêmes questions avaient été posées à M. Drainville en 2007 lorsque celui-ci avait annoncé sa candidature pour le Parti québécois. Il était à l’époque chef du bureau parlementaire de Radio-Canada à Québec et avait fait une entrevue avec le chef péquiste André Boisclair quelques jours avant l’annonce.
« Depuis des années », sur les ondes du 98,5 FM, « je dis sans ambiguïté qu’il a été complaisant et s’est toujours préservé d’attaquer directement la CAQ », a ajouté Pascal Bérubé.
Au cours des dernières années, Bernard Drainville a montré de l’intérêt en particulier pour les dossiers liés à l’exportation d’hydroélectricité et le développement de la filière des batteries électriques. Le magazine Les Affaires souligne d’ailleurs qu’il aurait manifesté le souhait d’obtenir le poste de ministre des Ressources naturelles dans ses négociations avec la CAQ. L’actuel ministre est Jonatan Julien, député de Charlesbourg. « Bonne fin de semaine ! » s’est-il contenté de répondre aux journalistes en sortant du Salon bleu.
Pascal Bérubé a esquivé les questions portant sur le signal qu’envoie la décision de Bernard Drainville sur l’état du Parti québécois. Il a soutenu qu’il préfère garder ses convictions souverainistes, accusant M. Drainville d’être devenu fédéraliste.
Le Parti libéral voit les choses autrement. L’arrivée de Bernard Drainville à la CAQ, « un farouche indépendantiste », prouve que François Legault a une « démarche séparatiste ». Cela s’ajoute à la candidature de l’ancienne bloquiste Caroline St-Hilaire, dans Sherbrooke. « Les masques sont encore plus clairement tombés ce matin », a lancé le député Marc Tanguay. « L’agenda est de moins en moins caché ». « Il ne reste plus grand place aux fédéralistes à la CAQ », selon lui.
Selon le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, « Marc Tanguay est dans la théorie du complot ». « Les fédéralistes sont nombreux à la CAQ », a-t-il soutenu, se disant lui-même un « nationaliste qui est aussi fédéraliste ».
« La CAQ, on n’est pas souverainiste ni nationaliste, a dit de son côté le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon. [On est] dans un contexte de fédération qu’on respecte. Moi, je suis fédéraliste. J’aime travailler avec mes homologues à Ottawa. Il faut bonifier le Québec, notre droit de regard dans plusieurs dossiers, mais on peut faire ça à l’intérieur du Canada. » Pour lui, « il n’y a pas de danger, le caucus ne sera pas souverainiste ».
« On est des nationalistes à l’intérieur du Canada. Le Parti québécois nous traite de fédéralistes, les libéraux essaient d’agiter l’épouvantail du référendum, c’est deux fois n’importe quoi », a affirmé le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge. L’ancien président de l’association péquiste dans Vachon (2007-2008) n’a pas voulu revenir sur ses convictions indépendantistes qui remontent selon lui « à juste après Mathusalem ». « Je ne suis pas souverainiste », a-t-il assuré pendant que ses collègues fédéralistes n’hésitent pas à afficher leurs couleurs.
« Ce n’est pas l’objectif de la CAQ » de faire un référendum sur la souveraineté, a tenu à préciser François Legault au Salon bleu. « On est un parti nationaliste qui défend nos valeurs à l’intérieur du Canada. »
Le PLQ et le PQ soutiennent que la CAQ a manqué de respect envers François Paradis qui, selon eux, a été forcé de précipiter l’annonce de son départ. Il doit présider la Chambre jusqu’au 10 juin, dernier jour de la session parlementaire. À la CAQ, on disait il n’y a pas si longtemps que l’annonce serait faite à la fin des travaux de l’Assemblée nationale.
Devant les journalistes, lors d’une mêlée de presse, François Paradis a affirmé que son départ était « le secret le moins bien gardé » sur la colline. « Quatre ans supplémentaires [m’auraient] mené à l’aube des 70 ans », a-t-il expliqué, se disant « heureux » et ajoutant que son annonce ne fait que « valider » ce qui était déjà pas mal connu. Plus tard, il a reconnu à La Presse que « les agendas changent » lorsque « les astres s’alignent ».
« Ce qui ne me surprend pas, c’est que quelques jours après avoir annoncé ses couleurs, quelques jours après avoir annoncé qu’il veut faire campagne sur la laïcité et l’immigration, M. Legault va recruter le père de la Charte des valeurs. C’est tout à fait cohérent avec la stratégie électorale de François Legault », a réagi de son côté le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.
Source: La presse