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Vote en ligne, travaux en formule hybride, comité virtuel : le Parlement fédéral a complètement revu son fonctionnement pour s’adapter à la nouvelle réalité de la pandémie. Cette transformation a toutefois bouleversé la relation entre les journalistes et les élus, qui évoluent maintenant loin des habituelles mêlées de presse, un élément essentiel de la vie parlementaire.
C’était le vendredi 13 mars 2020. La Chambre des communes suspendait ses travaux pendant un peu plus d’un mois. La pandémie frappait le pays. Des élus, dont le premier ministre, étaient en isolement.
À l’époque, plusieurs pensaient qu’il ne s’agissait que d’une parenthèse de quelques semaines, le temps que la COVID-19 passe.
Un an plus tard, le foyer de la Chambre des communes, lieu habituellement grouillant de journalistes et de politiciens, est vide. Le silence est devenu la nouvelle norme. Le vide, le nouveau décor.
C’est vide, c’est fou
, constate Hélène Buzzetti, journaliste et chroniqueuse, qui couvre la politique fédérale depuis plus de 20 ans.
Le travail dans les corridors du parlement est une composante essentielle des correspondants parlementaires. C’est là qu’ils peuvent intercepter des élus sur la sellette, questionner des ministres dans le pétrin ou simplement obtenir de l’information pertinente pour les citoyens.
La pandémie limite grandement cette partie du travail. Une bonne partie du rôle des journalistes est de poser des questions et d’être là pour obliger les politiciens à répondre à celles que la population se pose et dont on se fait le relais
, ajoute-t-elle.
Un accès plus difficile
Hélène Buzzetti reconnaît que, depuis un an, Justin Trudeau a été plus présent que jamais dans les médias, mais elle rappelle que la vie démocratique ne se limite pas au premier ministre. Les chefs de parti et les élus ont aussi des comptes à rendre aux Canadiens et à leurs électeurs.
On a perdu beaucoup d’accès à ces gens-là
, déplore-t-elle.
Pourtant, la technologie permet aux élus d’être accessibles de n’importe où. On a vu des entrevues dans des voitures, des stationnements ou des salons. Par contre, il faut que les élus le veuillent.
Un contrôle accru du message à transmettre
C’est un avantage important pour les politiciens, explique l’ancien stratège conservateur Yan Plante, parce qu’ils peuvent maintenant se terrer le temps qu’une tempête politique passe.
Il rappelle le cas de la députée libérale Emmanuella Lambropoulos. Après ses propos controversés en comité sur la langue française, elle n’était pas disponible pour donner des entrevues.
Dans une situation normale, ça aurait été plus difficile pour elle d’éviter les questions dans les jours qui ont suivi, parce qu’il y aurait eu des journalistes pour l’intercepter à la Chambre des communes avant une période de questions, dans un comité parlementaire ou un caucus
, dit Yan Plante.
Ce plus grand contrôle du message peut par ailleurs se traduire par des manques d’occasions
pour l’opposition de se faire entendre et voir.
Dans l’avenir
Comme dans plusieurs autres secteurs, le retour à la normale est encore incertain. Que restera-t-il des nouvelles habitudes? L’accès aux élus sera-t-il rétabli?
L’ancien journaliste et ministre Pierre Duchesne est plutôt optimiste. Les institutions restent en place, les habitudes, les accès doivent normalement se rétablir, explique celui qui est maintenant professeur de journalisme. Il faut faire confiance aux institutions.
En revenant au parlement, une fois la pandémie terminée, les élus ne pourront pas éviter les journalistes, ajoute-t-il, mais ce n’est pas gagné d’avance. Les médias, qui étaient déjà en crise avant la pandémie, devront travailler pour regagner leur place.
Hélène Buzzetti promet que les journalistes parlementaires vont travailler pour que les mauvais plis pris pendant la pandémie ne restent pas ancrés dans la nouvelle normalité.
Elle craint toutefois que les comités parlementaires restent virtuels pour que les députés puissent profiter du vote à distance afin d’éviter la Chambre des communes. La journaliste espère que cette pandémie n’aura été qu’une parenthèse.
Source: Radio-Canada