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Le va-et-vient incessant de personnel entre zones chaudes et froides au printemps dernier a favorisé l’épidémie et a eu un coût élevé en vies humaines. La leçon a depuis été comprise.
Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, est satisfait des efforts déployés dans le réseau des CHSLD publics qui ont permis de diviser par cinq la mobilité du personnel en quelques mois. Il maintient par ailleurs son objectif d’éliminer le recours aux agences privées pour les infirmières, qui favorise les allées et venues entre CHSLD.
Quelques semaines après sa nomination comme ministre de la Santé l’été dernier, Christian Dubé posait un premier geste en dévoilant à la mi-août son plan d’action pour contrer une potentielle deuxième vague d’éclosions.
Le plus important, c’est qu’on va interdire la mobilité de la main-d’oeuvre
, disait-il.
Ce plan visait notamment les CHSLD publics et privés, où les deux tiers des décès étaient survenus lors de la première vague.
Or, en entrevue à Radio-Canada, le ministre Dubé a fait un premier bilan positif de l’opération.
Des délégués syndicaux du milieu de la santé à qui nous avons parlé ont également observé une diminution de la mobilité du personnel, sans être en mesure de la chiffrer.
De l’avis du ministre Dubé, un changement de culture s’imposait.
C’est sûr que ça a secoué un peu la machine, parce qu’on était avant dans une culture qu’on appelait une culture de mobilité
, explique-t-il.
Ça faisait l’affaire des gestionnaires d’être capables d’avoir une main-d’œuvre mobile, parce que quand ils n’en avaient pas besoin […] ils ne payaient pas pour et quand ils en avaient besoin, il y avait des agences pour déplacer les gens d’une place à l’autre
, poursuit le ministre.
Un des leviers mis en place pour changer les choses fut l’instauration d’un registre. Les PDG des établissements de santé doivent ainsi signer une autorisation chaque fois qu’un préposé aux bénéficiaires doit, par exemple, se déplacer d’une zone chaude vers une zone froide.
Selon les plus récentes données du ministère, on enregistre de tels déplacements en moyenne 24 fois par semaine au Québec à travers les CHSLD et les centres jeunesse.
À l’inverse, on compte une moyenne de 63 déplacements par semaine d’une zone froide à une chaude.
Une zone chaude
regroupe les personnes infectées, tandis qu’une zone froide
regroupe celles qui ne sont pas infectées ou qui sont guéries. Les personnes à risque d’être infectées ou qui reviennent d’une hospitalisation sont regroupées en zone tiède.
Une séparation stricte entre les deux zones est d’autant plus importante qu’un soignant, bien qu’il ne présente aucun signe de la maladie, peut par ses déplacements entre les zones infecter collègues et résidents.
Le cas du CHSLD Sainte-Dorothée, à Laval, a été l’un de ceux documentés en particulier par un enquêteur mandaté par le MSSS sur ces aspects.
Est-ce que c’est parfait? se questionne M. Dubé. La réponse c’est non, parce qu’il reste encore 5 %, autant du côté de la mobilité comme telle que du recours aux agences, mais c’est quand même une grande amélioration. Ce qui est important, c’est d’éviter le bris de service.
Nous avons demandé à tous les CISSS et les CIUSSS du Québec les raisons pour lesquelles ils autorisent encore certains déplacements, malgré la directive du ministre. La majorité d’entre eux ont répondu que c’était la seule solution pour éviter des bris de service dans certains établissements.
Des efforts à venir pour les infirmières
Un autre facteur qui a contribué à réduire la mobilité des préposés aux bénéficiaires a sans doute été la formation et le recrutement de 7000 personnes ces derniers mois.
Il en va autrement pour les infirmières, dont la formation prend quelques années.
On travaille très très fort avec la FIQ, indique le ministre. On s’est engagé avec elle que le ministère va s’assurer qu’on va travailler sur la question de la mobilité, mais aussi des agences.
Selon les données du ministère de la Santé et des Services sociaux, les dépenses en main-d’oeuvre indépendante pour du personnel infirmier ont doublé ces dernières années à plus de 180 millions de dollars en 2019-2020.
Depuis le début de la pandémie, le recours aux agences privées pour du personnel infirmier et des préposés a représenté une dépense additionnelle importante liée à la COVID pour certains établissements, notamment le CISSS de la Côte-Nord, le CISSS des Îles, de même que le CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue et celui de la Montérégie-Centre.
Des agents de sécurité
Plusieurs établissements ont également embauché du personnel d’agences de sécurité pour contrôler les allées et venues dans les CHSLD et les RPA.
Au total, le coût pour l’ensemble de la main-d’œuvre indépendante supplémentaire liée à la COVID s’est élevé à plus de 125 millions de dollars, selon une compilation de Radio-Canada des mois de mars à octobre 2020.
Du côté des agents de sécurité, je dois vous dire que ça me dérange moins parce que c’est des gens qui sont moins sur le plancher quotidien du service aux patients
, affirme Christian Dubé.
Néanmoins ajoute-t-il, il va falloir qu’on mette ces dollars-là en prévention
.
Source: Radio-Canada