Pr. Cavatorta dans AdraouiLive : «Les Emirats arabes unis veulent étouffer toute velléité démocratique dans la région»

13 juillet 2020
Pr. Cavatorta dans AdraouiLive : «Les Emirats arabes unis veulent étouffer toute velléité démocratique dans la région»

 

Assahafa.com

L’interventionnisme des Emirats arabes unis est partout : Qatar, Libye, Syrie, Yémen, Tunisie…et Maroc ! Abu Dhabi, en plaçant stratégiquement ses pions dans toute la région, se permet désormais de s’impliquer dans les dossiers régionaux les plus chauds et les plus sensibles. Si l’objectif affiché est de contrer l’expansion de l’influence iranienne (cela reste à prouver car les échanges économiques entre les deux pays sont au beau fixe et, sur ce dossier, les Emirats ne font que du suivisme aveugle derrière l’Arabie saoudite), le but réel des Emirats est d’empêcher et d’étouffer, par sa politique, toute velléité démocratique dans la région soit à travers des relais médiatiques acquis à leur cause à coups de milliards, soit carrément par le façonnage de conflits armés aux conséquences destructrices.

Et c’est pour décortiquer ce tableau géopolitique complexe que l’émission AdraouiLive, diffusée sur la plateforme Assahafa.com a reçu, dimanche soir, le professeur Francesco Cavatorta du département des sciences politiques de l’université Laval au Québec où il enseigne les relations internationales et dirige des recherches sur l’Afrique et le monde arabe. Emission retransmise en direct et en simultané sur Al Jazeera Mubasher.

 

D’emblée, le professeur Cavatorta a planté le décor. Si les Emirats arabes unis ne sont pas les premiers à avoir voulu déstabiliser la région (beaucoup d’autres pays ont essayé de le faire auparavant) ils le font pour répondre à deux impératifs : 1) «avoir un rôle d’envergure dans la région» à la recherche d’une légitimité diplomatique à l’instar de l’Arabie saoudite, d’où leurs aventures plus ou moins agressives ; 2) «disposer d’une dimension internationale» et ce aux dépens des régimes basés sur «l’islam politique». Le professeur  Cavatorta explique clairement que la stabilité politique issue des printemps arabes et qui a donné le «pouvoir» à certains partis islamistes, fait peur aux Emirats arabes unis. Les Emirats sont, si l’on peut utiliser l’expression, allergiques aux urnes, aux volontés populaires, aux régimes qui jouissent d’une pluralité politique.

Le professeur Cavatorta, qui est également spécialiste des démocraties dans le monde arabe, a loué l’exemple du Maroc qui sait piloter une bonne gouvernance politique entre le roi Mohammed VI et le PJD, d’où la stabilité dont jouit le royaume, malgré les multiples tentatives de déstabilisation émiraties vouées à l’échec.

En revanche, l’interventionnisme d’Abu Dhabi en Syrie, au Yémen et en Libye a donné lieu à des drames. Les Emirats ont cette manie de s’aligner sur les dictateurs comme en Egypte et en Libye où ils soutiennent respectivement le général al-Sissi et le maréchal Khalifa Haftar.

Si les Emirats ont échoué en Tunisie malgré de multiples tentatives, l’avortement du printemps égyptien aura été leur plus grande réussite. Soutenant le coup d’Etat d’al-Sissi, ils ont mis fin au pouvoir légitime de Mohamed Morsi.

A chaque fois qu’il y a une tentative de démocratisation, explique le professeur Cavatorta, on la fait échouer «pour dire que la démocratie n’est pas faite pour les arabes», le cas de l’Egypte et de la «contre-révolution», soutenue expressément par les Emirats et l’Arabie saoudite, en est l’exemple notoire.

Selon le professeur Cavatorta, trois éléments expliquent cette agressivité des Emirats arabes unis : 1) les producteurs d’hydrocarbures font face à de nouveaux défis avec la baisse des cours mondiaux ; 2) le Maroc a choisi la voie des énergies renouvelables et alternatives, notamment solaire, ce qui lui confère une certaine souveraineté énergétique ; 3) le Maroc qui a choisi une politique étrangère d’ouverture, de neutralité, de bons offices, de solidarité et de développement économique. Tous ces éléments sont diamétralement opposés à la ligne choisie par Abu Dhabi qui est celle de l’ancien président américain, George Bush, à savoir : «avec nous ou contre nous», «mettre de l’huile sur le feu » et «souffler sur les braises ». Même la politique africaine du roi Mohammed VI, qui a visité presque l’ensemble du continent, et à plusieurs reprises, a suscité la jalousie des Emirats arabes unis qui ont décidé de riposter par leur interventionnisme. «On n’ira pas jusqu’à dire que sans les émirats la région irait mieux, mais sans stabilité il n’y pas de développement» analyse le professeur Cavatorta.

Et même si certains médias au Maroc s’alignent sur cette politique interventionniste des  Emirats, grâce à la globalisation et à libéralisation de l’information, les velléités émiraties sont stoppées car on découvre facilement les contre-faces de leurs véritables intentions. D’où la nécessité d’une législation qui protège les intérêts du pays, dans le cadre d’un (futur) marché arabe (hypothétique ?), car les immixtions actuelles d’Abu Dhabi, par médias interposés, perturbent les canaux diplomatiques classiques et menacent la souveraineté des pays cibles.

Cela dit, nous apprend le professeur Cavatorta, «la politique étrangère des Emirats arabes unis ne fait pas l’unanimité» au sein des chancelleries internationales et même parmi les pays du CCG.

A chaque fois que les Emirats arabes unis interviennent quelque part, il s’ensuit le chaos : Syrie, Libye, Yémen…et au professeur Cavatorta d’expliquer que sans l’aval et l’appui de Paris, il ne pouvait pas y avoir d’intervention des Emirats, de même pour la Syrie sans le feu vert des USA.

A la fin de l’émission, et sur un tout autre sujet, le professeur Francesco Cavatorta a confirmé que son département à l’université Laval avait invité le Prince Moulay Hicham, en sa qualité académique de choix, pour échanger avec lui sur les sujets d’actualité et développé des partenariats de connaissance en vue de bénéficier de l’expertise du prince et aussi en vue de renforcer la position du Canada en tant que vecteur central et important dans le domaine de la recherche en sciences politiques et relations internationales.

En plus de l’appui universitaire et académique dont elle doit jouir, le professeur Francesco Cavatorta a également appelé que les diplomaties mettent davantage en exergue le travail fourni par les institutions militaires et sécuritaires qui sont au cœur des dispositifs des politiques étrangères des différentes puissances.

Derniers articles
Les cookies nous permettent de personnaliser le contenu et les annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Nous partageons également des informations sur l'utilisation de notre site avec nos partenaires de médias sociaux, de publicité et d'analyse.
j'accepte!