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Le ministre de la Santé, Amine Tahraoui, sera sur 2M ce soir pour discuter de l’état du secteur et des avancées de sa réforme. La question qui plane, au-delà des mots prononcés, est celle des pressions qui pèsent sur lui : Tahraoui peut-il parler librement ou est-il contraint par des forces économiques et médiatiques puissantes, capables de remodeler le récit public ?
La déclaration du ministre devant le Parlement, annonçant la suspension du soutien public aux cliniques privées, a secoué un secteur habitué à l’opacité. Ses propos, clairs et sans détour, ont mis à nu un système où l’argent public nourrit un marché privé florissant, tandis que les hôpitaux publics s’appauvrissent. Mais derrière cette rupture courageuse, une question plus sourde se dessine : qui fait pression sur le ministre, et dans quelle mesure le lobby des cliniques privées, à travers ses relais médiatiques et institutionnels, agit-il comme un pouvoir quasi autonome au sein d’un État, capable d’influencer même les décisions d’un département stratégique ?
La riposte ne s’est pas fait attendre. Le groupe Akdital et le lobby des cliniques privées ont orchestré une contre-offensive, mobilisant des médias pour relativiser l’impact des déclarations de Tahraoui. Sous couvert de précision technique, on dissocie les aides budgétaires de l’État des flux financiers issus de l’Assurance Maladie Obligatoire et de la couverture médicale universelle, comme si ces derniers n’étaient pas financés par des fonds publics. Pourtant, depuis l’extension de ces dispositifs, les cliniques privées sont devenues les premières bénéficiaires d’un système dont elles exploitent la générosité implicite.
L’article du Desk (appelé à la rescousse) à ce propos, en présentant Akdital comme victime d’un « blocage administratif », révèle un mécanisme plus profond : un secteur privé suffisamment puissant pour orienter l’opinion et, peut-être, infléchir les décisions ministérielles. Tahraoui se retrouve au centre de cette tornade : maintenir sa ligne signifie affronter un lobby influent, céder peut le transformer en bouc émissaire, sacrifié sur l’autel d’intérêts qui dépassent le seul cadre de la santé.
La lettre ouverte de l’Association nationale des cliniques privées (ANCP), qui nie la réception de fonds publics et réclame la publication de listes de bénéficiaires, illustre cette tentative de neutralisation. Le débat est ainsi déplacé sur le plan réglementaire, occultant la réalité politique et économique : la subvention invisible existe, matérialisée par le flux continu de fonds publics vers le privé, alors que la mission hospitalière nationale s’érode, avec des établissements publics à bout de souffle et un personnel migratoire vers le secteur lucratif.
Le passage de Tahraoui sur 2M pourrait donc révéler bien plus qu’une mise au point : il pourrait exposer les forces réelles qui gravitent autour de la Santé et les pressions invisibles que subissent les ministres. Qui détient les leviers dans ce système ? Qui tire les ficelles d’un secteur privé capable de dicter, parfois, la conduite d’un département stratégique ? Le ministre, en dénonçant cette dérive, assume un risque considérable, exposé à la tempête d’intérêts puissants qui, en coulisses, semblent parfois gouverner la politique elle-même.